Depuis l’été, il s’était fait plutôt discret. Jusqu’à ce que des déclarations contradictoires lancées par divers membres de son parti ne fassent un peu trop de remous à son goût. Il fallait donc remettre les pendules à l’heure et Bart au milieu du village : avec le plan présenté la semaine dernière par le président de la NV-A lui-même, c’est désormais chose faite.
Et quel plan ! Au niveau socio-économique, les mesures proposées par Bart De Wever sont très simples : ultra-libérales, calquées sur le modèle allemand (dont on a maintenant la quasi-certitude qu’il s’agit d’un modèle qui mène à terme à la déflation), et surtout pro riches — à qui d’autre peut donc bien profiter la diminution de la progressivité de l’impôt ? Au niveau institutionnel, rien de plus compliqué : on coupe la Belgique en deux et on fait croire à une cogestion de Bruxelles par la Flandre et la Wallonie (drôle de cogestion quand même : lire que la Flandre va construire à Bruxelles 500 logements pour étudiants de l’enseignement supérieur flamand, que la politique linguistique doit y être contraignante sinon inefficace, ça ressemble plus à de la ségrégation, non ?)
Toujours est-il qu’en s’occupant des petits problèmes des Flamands qui veulent l’indépendance de leur petite Région, Bart De Wever ne fait pas vraiment preuve de grandeur. “Son programme est antiéconomique”, a sobrement déclaré l’ancien Premier ministre Mark Eyskens (CD&V). Qui ajoute, un brin sarcastique : “Réduire la dette à zéro en 25 ans, c’est juste une manière de préparer la scission du pays. Mais en attendant, qui va acheter des bons wallons ou flamands sur les marchés financiers ?”
Excellente question. Car pendant que monsieur De Wever planchait sur l’épineuse question du sort des enfants de couples bruxellois bilingues et divorcés qui choisiraient l’un le régime de sécurité sociale wallon, l’autre le régime flamand, le quotidien allemand Die Welt laissait entendre que notre pays fait partie des futurs “enfants à problèmes” de l’Europe, avec la France, les Pays-Bas et la Finlande. En cause : une balance commerciale qui penche désormais vers les importations, une industrie “de transit” qui crée peu de valeur ajoutée, de trop faibles investissements en recherche et développement, un écart salarial croissant avec les pays voisins, une dette publique qui dépasse 100 % du PIB et qui devrait encore gonfler, et enfin, une croissance nulle pour 2013 et très molle (maximum 1 %) pour 2014.
Les voilà, les grands (les vrais ?) problèmes. Ceux auxquels le prochain gouvernement devra s’attaquer, non sans avoir d’abord veillé à mettre en oeuvre la sixième réforme de l’Etat. Qu’il faille ou non un Premier ministre pour cela ne semble pas être une question cruciale à ce stade ; ce qui importe, c’est de savoir comment la Belgique surmontera ces difficultés tout en dégageant des moyens financiers pour la relance et l’emploi.
Faudra-t-il lever davantage d’impôts ? Probablement, et au moins pendant un temps. Mais cela, Bart De Wever ne l’admettra jamais, trop occupé qu’il est à séduire la classe moyenne et le patronat flamands qui constituent le gras de son électorat. La grandeur politique, pourtant, n’est pas de promettre des choses impossibles. Mais de convaincre de l’utilité de décisions complexes et/ou difficiles. Nul doute que le “Changement pour le Progrès” de la NV-A ait été compliqué à rédiger. Mais sommes-nous réellement convaincus de son utilité ?
CAMILLE VAN VYVE