Philippe Ledent
Le vieillissement, c’est maintenant!
Cette année, pour la première fois, la population de 19 à 64 ans va légèrement diminuer.
Pour une fois, on ne pourra pas dire que la prise de conscience du problème a été tardive. C’est en effet en 2001, il y a 20 ans, que le gouvernement a lancé la réflexion sur l’impact socioéconomique du vieillissement de la population. Pour ce faire, il a mis sur pied un Comité d’étude sur le vieillissement (CEV) composé de spécialistes de la question et rassemblant notamment des personnes clés, tant du Bureau du Plan que de la Banque nationale. Les rapports du CEV ont toujours été d’une grande qualité, s’intéressant non seulement à l’évolution démographique elle-même, mais aussi à l’impact à long terme qu’il aurait sur la croissance économique, les finances publiques ou le risque de pauvreté. L’analyse était donc pertinente et le CEV bénéficiait de connexions directes avec le monde politique. En mots simples: on l’avait vu venir!
Cette année, pour la première fois, la population de 19 à 64 ans va légèrement diminuer.
Vingt ans plus tard, le CEV existe toujours et il continue de publier un rapport chaque année. Mais il y a une différence fondamentale. A l’époque, le vieillissement et son impact étaient vus comme quelque chose de lointain, de théorique, technique, réservé à quelques spécialistes des questions prospectives. Aujourd’hui, c’est une réalité. Il ne s’agit plus de se préparer à un choc (ce qui d’ailleurs n’a pas été fait…) mais de gérer ses conséquences. Au cours des 20 dernières années, la croissance annuelle de la population âgée d’au moins 65 ans a été de 1,3%, soit trois fois plus que celle du reste de la population. Les dépenses liées aux pensions (qui ne sont qu’une partie des dépenses liées au vieillissement de la population) ont augmenté de 4,6% par an sur cette période alors que le PIB, qui permet d’une manière ou d’une autre de les financer, a augmenté de 3,4% par an. Les dépenses liées aux pensions représentent à ce jour un cinquième de l’ensemble des dépenses publiques.
Démographiquement parlant, cette année marquera une nouvelle étape dans le vieillissement de notre population. Pour la première fois, et ce pour les 30 prochaines années selon les dernières prévisions, la population de 19 à 64 ans, que l’on pourrait qualifier de population en âge de travailler, va légèrement diminuer. Il y aura donc plus de personnes atteignant l’âge actuel légal de la pension qu’il n’y aura de nouveaux entrants. Ce n’est pas sans conséquence. La capacité à générer de l’activité ne dépend en effet que de deux éléments: les personnes disponibles et leurs compétences. On sait que le premier élément n’augmentera pas dans les trois prochaines décennies. Pour être précis, il pourra temporairement augmenter si la proportion de personnes en âge de travailler mais inactive diminue. Mais ce n’est pas si simple. C’est une question d’adéquation entre leurs compétences et celles demandées par les employeurs, ou entre les choix de vie des personnes et les demandes des employeurs. On pourra certes augmenter un peu le taux d’emploi mais, même si c’est un objectif de l’accord de gouvernement, il ne faut pas tabler sur une révolution en la matière.
Cela signifie que notre capacité à générer de l’activité et à faire croître celle-ci, ce qui, je le rappelle, permet de financer nos besoins en biens et services publics qui augmentent rapidement, dépendra essentiellement des gains de productivité (de notre capacité à générer plus de valeur ajoutée par personne occupée). Les dernières années sont très décevantes en la matière. Les gains de productivité sont très inférieurs aux hypothèses retenues, par exemple, dans les simulations les plus récentes du CEV réalisées pour calculer le “coût” du vieillissement. Le plan de relance mis sur pied peut-il modifier la donne? Il peut certainement y contribuer. Mais il en faudra plus. Beaucoup plus.
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