Le retour de l’Etat édredon

Amid Faljaoui, directeur de de trends-tendances © AMID FALJAOUI, DIRECTEUR DE TRENDS-TENDANCES

A force d’avoir le nez sur l’actualité du jour, on en oublierait d’observer les grandes tendances. On serait comme ce serpent qui, lorsqu’il mue, est aveugle. C’est justement l’intérêt de l’ouvrage intitulé Rien ne va, mais… sorti en octobre en librairie. Ce qui m’a intéressé dans ce livre signé par François Lenglet, confrère de TF1 et de LCI, et que je partage avec vous, c’est qu’il constate combien la génération actuelle est en demande de davantage de protection. On le voit en effet chaque jour: après plusieurs décennies de libéralisme, la population est moins demandeuse de liberté, mais de davantage de protection de la part d’un Etat édredon.

Personne ne change uniquement sous l’effet de la bonne volonté. Ce sont même les élites, contrairement à ce qu’on pense, qui ont le plus de mal à changer, car ce sont elles qui ont le plus à perdre.

La génération des babyboomers, celle qui est désormais pensionnée ou au cimetière, elle, avait une soif de liberté totale. Les babyboomers se sont révoltés contre leurs parents, nous rappelle François Lenglet, parce que ceux-ci étaient marqués par les guerres et recherchaient l’ordre et la sécurité. Résultat, leurs enfants, les grands-parents d’aujourd’hui, sont à l’origine de Mai 68 et de ses libertés extrêmes.

C’est aussi cette génération qui a libéralisé l’économie au fur et à mesure qu’elle venait au pouvoir et sur le marché du travail. Mais comme le fait encore remarquer François Lenglet: “l’excès de liberté ramène immanquablement à une demande d’ordre qui elle-même, au bout de quelques décennies, se caricature et se dénature au point de réveiller le besoin de liberté”. Ce que mon confrère veut dire par là, et il n’y a qu’à regarder autour de nous pour s’en convaincre, c’est que chaque génération prend le contrepied de celle qui la précède avec l’illusion de construire un monde nouveau alors que, faisant le contraire de ses parents, elle retombe en réalité dans les erreurs de ses grands-parents.

En clair, l’histoire économique, et l’histoire tout court, ne serait qu’une rotation des idées et des hommes, et la seule chose à retenir, c’est que c’est durant ces transitions (comme celle que nous vivons maintenant avec la transition énergétique) qu’il faut être prudent, car ce sont des périodes extrêmement dangereuses. C’est en fait le monde ancien qui craque alors que le nouveau n’arrive pas encore à s’imposer.

Il semblerait que nous soyons en pleine rotation d’un monde à un autre, et c’est là où j’ai un scoop à vous annoncer: l’histoire montre, selon François Lenglet, que ces périodes durent en moyenne une vingtaine d’années. Pourquoi? Parce qu’une transition ne s’opère pas d’un coup sec, elle est ponctuée de crises, de soulèvements et de conflits. C’est normal: personne ne change de gaieté de coeur, ni vous, ni moi, ni les entreprises, ni les Etats. Personne ne change uniquement sous l’effet de la bonne volonté. Ce sont même les élites, contrairement à ce qu’on pense, qui ont le plus de mal à changer, car ce sont elles qui ont le plus à perdre.

Mais il y a une bonne nouvelle: je vous disais qu’historiquement, une transition d’une société vers une autre prenait en moyenne 20 ans. Si on part du principe que notre transition a démarré avec la crise financière, donc en 2008, cela signifie que nous avons déjà 15 ans de transition derrière nous. En d’autres mots, nous avons déjà passé les trois quarts de cette période sans nous en rendre compte. Voilà, ce sont sans doute des propos étonnants, mais ils ont le mérite de nous faire réfléchir. Et vous, qu’en pensez-vous?

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