L'”arnaque” derrière le “prix Nobel d’Economie”

Les fameuses médailles, récompenses décernées aux Prix Nobel © Belga Image

Le lauréat du “prix Nobel d’Economie” 2015 est dorénavant connu: il s’agit de l’anglo-américain Angus Deaton. Mais contrairement aux cinq autres prix Nobel qui ont rythmé la semaine passée, celui d’économie n’a pas été inventé par Alfred Nobel. Explications.

Le lauréat du “prix Nobel d’Economie” 2015 est dorénavant connu: il s’agit de l’Anglo-américain Angus Deaton. après les prix de physique, de médecine ou encore de littérature décernés ces derniers jours. Mais contrairement aux cinq autres récompenses qui ont rythmé la semaine passée, le “Nobel d’Economie” n’a pas été inventé par Alfred Nobel. Explications.

Comme l’explique le site Rue89, le célèbre chimiste n’a en effet jamais évoqué le moindre désir de créer d’autres prix que les cinq que l’on connaît, à savoir: physique, chimie, médecine, littérature et paix.

En réalité, ledit “prix Nobel d’Economie” a été instauré en 1968 par la Banque centrale de Suède en sciences économiques en mémoire d’Alfred Nobel. Pour ajouter un peu plus à la confusion, il se nomme le “Nobel Memorial Prize” en anglais.

Le site français raconte son origine: le gouverneur de la banque centrale de Suède, Per Asbrink, voulait fêter dignement le tricentenaire de son institution en se créant “un prix Nobel”. Il a, dans ce but, entrepris une grande opération de lobbying en y associant des économistes prestigieux (dont Gunnar Myrdal, qui allait recevoir le prix en 1974 avant de vouloir le supprimer). Et le lobbying intense a payé: la Fondation Nobel, d’abord très réticente et l’Académie royale des sciences de Suède (qui gèrent l’attribution des prix Nobel) ont fini par accepter d’organiser le vote et la cérémonie sur le même modèle que les autres. Seule condition : la banque centrale de Suède devait payer la récompense associée au prix, soit 8 millions de couronnes (860 000 euros).

Ce genre de prix Nobel usurpé existe bien dans d’autres disciplines, en mathématiques, il s’agit de la médaille Fields. Dans les domaines de la philosophie et de la biologie, l’absence de prix est comblée par l’intégration de ces deux récompenses dans des Nobel déjà existants, respectivement celui de littérature et de chimie. Le “problème” qui se pose pour le prix d’économie est que la discipline se retrouve investie du capital symbolique des autres disciplines, comme le formulait l’un des descendants de Nobel en 2005 : “La Banque royale de Suède a déposé son oeuf dans le nid d’un autre oiseau, très respectable, et enfreint ainsi la “marque déposée” Nobel.

L’indice de citation le plus fort dans les médias

Certains membres de l’Académie ont aussi émis des réserves quant à l’aspect suffisamment scientifique de l’économie. Depuis sa création, le prix est souvent contesté pour sa pertinence même. Friedrich Hayek, représentant de l’école autrichienne libérale d’économie et lauréat en 1974, a déclaré que si on lui avait demandé son avis sur le prix, il aurait “fermement déconseillé” sa création. Aucun homme ne devant être ainsi désigné comme une référence sur un sujet aussi complexe que l’économie, selon lui. Le comité d’attribution du Prix Nobel d’Economie a aussi été fortement critiqué pour l’avoir attribué dans la quasi-totalité à des économistes “orthodoxes” dont ceux de l’école de Chicago (Milton Friedman, en 1976, George Stigler en 1982) à part quelques exceptions ces dernières années comme Paul Krugman en 2008 et Joseph Stiglitz en 2001.

Une autre critique suggère que le chercheur en économie qui est récompensé n’est pas celui qui a réalisé les plus grandes avancées dans son domaine, mais celui qui a obtenu l’indice de citation le plus fort dans les médias, récompensant ainsi les sujets économiques tendance, alors que la corrélation est inverse pour la médaille Fields de mathématiques. Le prix reste, de par sa médiatisation, un couronnement majeur pour la plupart des économistes. Cette critique est renforcée par le fait que le champ d’application du prix, a été élargi en 1995 aux sciences politiques, à la psychologie, ou encore, à la sociologie, qui ont un impact sur l’économie. Parmi les lauréats récents, on retrouve Daniel Kahneman et Robert J. Aumann, qui ne sont pas économistes.

En résumé, conclut Rue89,la simple appellation de “prix Nobel d’économie” est une très belle opération de récupération historique (bien menée), mais qui se transforme quand même en franche arnaque intellectuelle à force de la répéter si frénétiquement.”

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