La nouvelle start-up du fondateur de Tapptic: après les applis, les robots sous-marins
Bien connu dans l’univers du développement d’applications puisqu’il a fondé et dirigé Tapptic, l’une des agences les plus en vue à Bruxelles, Christophe Chatillon se lance dans le hardware. Avec des petits sous-marins autonomes.
Dans le numérique, l’homme est connu pour son expertise dans le développement d’applications mobiles. Et pour cause, ce Français installé à Bruxelles depuis des années a fondé l’agence bruxelloise Tapptic, l’une des plus en vue de notre capitale et qui a, voici quelques mois, procédé à l’acquisition de l’agence de stratégie digitale Idweaver.
Pourtant, cela fait un petit temps que Christophe Chatillon n’a plus tout à fait les mains dans l’opérationnel de l’agence et qu’il en a donné les rennes à Alexandre de Saedeleer, actuel CEO de Tapptic. Depuis peu, le fondateur n’est d’ailleurs plus du tout impliqué dans la société. C’est que l’homme, passionné depuis des années par la robotique, s’est lancé depuis deux ans dans un autre pari fou. On est entrepreneur ou on ne l’est pas !
Son nouveau défi ? Mêler sa passion pour les robots et celle pour la plongée pour créer uWare, un robot sous-marin autonome. “Ce projet est né alors que je plongeais en Espagne dans une grotte du Morro de Toix près d’Altea, l’un des deux seuls endroits connus au monde où la mer est aspirée dans la terre. C’est un mystère qui restait inexpliqué et qui m’a inspiré l’idée d’envoyer un engin pour observer ce qui s’y passe”, se souvient Christophe Chatillon. En combinant senseurs, caméras et intelligence artificielle, l’homme imagine qu’il est possible de créer un mini-robot individuel, non connecté à un câble.
260.000 euros : subside, non remboursable, de 260.000 euros sur 18 mois obtenu pour le prototypage auprès d’Innoviris.
En tant que plongeur expérimenté, Christophe Chatillon imagine aussi que ce robot autonome peut accompagner les plongeurs dans leurs descentes. Son dossier bien ficelé sous le bras, il obtient une première subvention (de 100.000 euros) d’Innoviris (l’Institut d’encouragement de la recherche scientifique et de l’innovation de la Région bruxelloise) pour poursuivre une étude de faisabilité technique. Cette étude lui apporte des réponses à deux grandes questions. La première est positive et confirme qu’un robot sous-marin est techniquement possible. La seconde l’est moins : l’idée d’un robot individuel (pour particuliers, plongeurs, etc.) n’a aucun intérêt business. L’entrepreneur n’entrevoit aucune véritable demande, aucun marché.
Par contre, il identifie des besoins de robots autonomes pour certains usages comme l’inspection de coques de bateaux, l’exploration sous-marine, l’analyse environnementale, etc. “Dans ces domaines, des robots existent déjà mais il s’agit de systèmes avec des câbles particulièrement onéreux, avoisinant les 40.000 ou 50.000 euros, argumente le fondateur. Et dans certains cas, il faut combiner plusieurs de ces robots. J’ai donc pensé que développer des petits robots plus économiques, autour de 5.000 euros, avait du sens.”
Prototypage moderne et “mindset start-up”
C’est le défi, un peu dingue, qu’il se lance. Il crée une société à Bruxelles et s’entoure de quelques spécialistes en robotique. Ensemble, ils s’attaquent au prototypage de leur futur engin. Pour cette phase là aussi, uWare obtient le soutien d’Innoviris : un subside non remboursable de 260.000 euros sur 18 mois. Et si la concrétisation d’un tel engin peut paraître impossible aux yeux de pas mal de monde, ce n’est pas le cas pour Christophe Chatillon qui tempère : “Le prototypage, aujourd’hui, se voit facilité par un certain nombre de technologies disponibles qu’il faut combiner. On combine de l’impression 3D, du hardware open source et des algorithmes d’intelligence artificielle et cela permet de développer du hardware sans dépenser des millions tout en permettant de maintenir son coût aussi bas que possible”.
Cela comprend le développement en interne de certaines technologies comme la création maison d’un modem acoustique pour permettre la communication avec le robot lorsqu’il est dans l’eau et entre les robots. Reste que, malgré tout, rien ne s’est fait en claquant des doigts : de nombreux tests ont échoué, un prototype a explosé lors d’un test et l’équipe a, de manière générale, dû réaliser pas mal “d’itérations”, comme on dit dans l’univers start-up. C’est que le défi technique est grand : le robot et ses pièces doivent résister à la pression très importante en profondeur, au sel, à l’oxydation ou encore à la chaleur liée à l’environnement confiné de la machine elle-même.
Mais l’équipe de uWare ne lâche pas l’affaire. Aujourd’hui composée de sept personnes réparties entre Bruxelles et Alicante où la start-up réalise certains tests (la visibilité marine y est plus importante qu’en mer du Nord et le climat plus agréable pour les équipes), elle regroupe essentiellement des jeunes. “Ils ont un mindset incroyable”, sourit l’entrepreneur qui fait office de vétéran dans sa boîte.
Aujourd’hui, après deux ans de recherche et de tests, et pas loin d’un million d’euros dépensés (la majorité investie par l’entrepreneur lui-même), uWare estime avoir en main un prototype prêt à l’emploi. Concrètement, cela signifie que la start-up peut désormais se lancer progressivement dans l’étape de recherche de partenaires et de clients. Elle va pouvoir fournir ses premiers robots dans les prochains mois. D’abord à des partenaires avec qui la jeune pousse développe des pilotes gratuits. L’un d’eux, par exemple, a été noué avec les autorités maritimes des Seychelles qui sont confrontées à la disparition d’espèces animales et des dégâts environnementaux liés au réchauffement climatique.
Concrètement, les Seychelles ont fourni à la nouvelle boîte de Christophe Chatillon des données (photos, vidéos) permettant d’entraîner les algorithmes de reconnaissance du mini-robot. En effet, ce dernier doit être entraîné pour, par exemple, apprendre à reconnaître le corail ou des espèces spécifiques de poissons, faire la différence entre un sac plastique et une méduse, etc. Pour cela, les algorithmes analysent en boucle des dizaines de milliers de photos. Ce dataset est mis à disposition de la start-up par son partenaire. En échange de quoi, uWare s’est engagé à fournir gratuitement plusieurs robots.
Objectif : plus de 3.000 ventes par an
Les étapes d’après permettront à la jeune pousse d’entrer dans la commercialisation pure et dure. D’abord, à prix réduit, des modèles adaptés sur mesure pour les besoins des clients. Des versions encore proches des prototypes permettant de tester encore certains cas d’usage.
Ensuite, d’ici mi-2021 si tout se passe comme prévu, uWare commencera sa vraie commercialisation de robots sous-marins autonomes. Mais l’entrepreneur insiste : pas besoin d’aller fabriquer en Chine ou dans un pays lointain : “L’impression 3D, l’électronique imprimé sur nos machines et le développement en interne de la partie software nous permettent de tout assembler ici, en Europe”. Probablement à Alicante où uWare prévoit d’installer un bureau.
Le marché pour ce type d’appareil ? Christophe Chatillon ne le chiffre pas. Mais “il est énorme”, s’emballe-t-il. Au point qu’il espère tourner à 3.000 ou 4.000 ventes annuelles en vitesse de croisière d’ici trois ou quatre ans. Des robots qu’il imagine achetés par des industriels pour vérifier des infrastructures sous-marines, des transporteurs pour inspecter les coques des bateaux, par des organisations de contrôle maritime, etc. “Je veux imposer uWare comme leader mondial des petits robots sous-marins autonomes, insiste l’entrepreneur. Je suis convaincu que le timing est bon, le marché gigantesque et notre approche innovante.”
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici