William De Vijlder (BNP Paribas) sur le triomphe de Trump : « On risque d’observer des effets ricochet sur l’économie mondiale »

Ursula von der Leyen et Donald Trump, en 2020 - Getty Images © reuters
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Est-ce que l’élection de Donald Trump à la Maison Blanche permet aux entreprises belges d’y voir plus clair ? Nous avons posé la question à William De Vijlder, conseiller économique chez BNP Paribas.

« Une incertitude a été levée : nous pouvons au moins focaliser notre analyse sur la personne qui l’a emporté, dit-il. Mais au-delà, l’incertitude reste très élevée. Les interrogations aujourd’hui se focalisent sur ce que sera la politique commerciale à l’international de la nouvelle administration. Sur le plan budgétaire, sa politique devrait consister à s’affranchir de toute considération concernant la stabilité du rapport de la dette au PIB. On s’attend à ce que Donald Trump renouvelle les mesures fiscales qui avaient été prises lors de son premier mandat (ces mesures arriveront à échéance en 2025, NDLR). Il y aura donc une baisse des impôts qui soutiendra la croissance américaine ».

TRENDS TENDANCES. Avec quel impact au-delà des États-Unis ?

WILLIAM DE VIJLDER. Indirectement, le reste du monde en bénéficie par le biais de l’augmentation des importations américaines. Mais c’est plus complexe, parce que se posera en contrepartie la question de la politique tarifaire (Donald Trump a dit vouloir imposer des tarifs douaniers de 60% aux importations chinoises et de 10% aux autres pays) et de ses conséquences au niveau de l’inflation et des taux à long terme.

Si cette politique de laxisme budgétaire se confirme, cela voudra dire qu’à priori les taux longs devraient être plus élevés, toute chose restant égale par ailleurs. Cela peut influencer le coût de financement dans le reste du monde. Je pense aux pays émergents mais également à l’Europe. Par ailleurs, il y a aussi un effet dollar qui joue. Le billet vert s’est encore apprécié, c’est tout à fait logique et devrait plutôt agir comme un frein à la croissance, par le renchérissement des importations qui vont toucher la structure de coûts des entreprises et le pouvoir d’achat des ménages en Europe et ailleurs,  y compris dans les marchés émergents.

On craint essentiellement la politique protectionniste du nouveau président.

On ne sait pas très bien ce qu’il va exactement faire, ni par quelles étapes nous allons passer. Les analyses et les commentaires parlent d’une hausse des tarifs douaniers de 10 % pour la plupart des pays et de 60 % pour la Chine. Mais on ne peut exclure une approche où, en fait, les Etats-Unis utilisent la menace des tarifs douaniers pour forcer les entreprises à produire chez eux. On sait que Donald Trump est un « deal maker », et il peut utiliser la menace des droits de douane dans un processus de négociation. Mais Donald Trump augmentera-t-il les droits de douane dès le 20 janvier, le jour de son arrivée au pouvoir ? Cette augmentation sera-t-elle sélective ou générale ? C’est aussi une grande source d’incertitude, qui pousse les entreprises à attendre avant  d’investir ou de recruter en Europe. Et cela pourrait donner un coup de frein à la dynamique de l’économie.

Si le dollar se raffermit, cela signifie davantage d’inflation ?

On doit se méfier de notre biais à extrapoler les tendances. La thématique actuelle est que la victoire de Trump est un facteur de soutien au dollar. Mais à un moment donné, il y aura une force de rappel qui va intervenir. Et donc l’impact inflationniste en Europe devrait être limité, parce qu’il devrait y avoir un cap sur le potentiel de raffermissement du dollar. Et dans le contexte d’une guerre tarifaire, la Chine serait bien évidemment beaucoup plus touchée. Et comme cette économie est déjà en surcapacité, si les produits chinois avaient davantage de difficultés à s’écouler aux Etats-Unis, la Chine augmenterait ses efforts pour vendre ses produits ailleurs, et peut-être par le biais d’une compression des prix. Je pense donc que le sujet n’est pas tellement ce qui va se passer du côté inflation, mais plutôt de l’impact au niveau de l’économie en général et surtout au niveau de certains secteurs. Environ 9,5% de notre valeur ajoutée est exportée aux Etats-Unis, et pour le secteur pharmaceutique, on parle de 30%.

Votre préoccupation principale, c’est la position concurrentielle des entreprises européennes ?

Il y a une considération macro-économique et une considération micro. Sur le plan macro, nous avons vu le rapport de Mario Draghi sur la compétitivité européenne. Il mentionnait la compétitivité des Etats-Unis qui bénéficient d’une série d’éléments positifs : leur capacité à innover, leur marché des capitaux, le faible coût de l’énergie… Et Donald Trump fera tout pour que cette situation se poursuive, voire que la compétitivité américaine augmente encore. La problématique au niveau macro est donc : comment réagir? Une autre problématique est ce boost de compétitivité que les Etats-Unis veulent donner de façon complètement artificielle via les droits de douane. La stratégie des entreprises devient vraiment un outil à des fins économiques mais aussi géopolitiques.

Et puis au niveau micro, il y a donc la question que se pose une entreprise : qu’est-ce que je fais ?  La capacité des entreprises à réagir est très dépendante du secteur et de la taille de l’entreprise. Et également du fait d’avoir, ou non, déjà des activités de production aux USA. Dans ce dernier cas, la question qui se pose est de passer à une vitesse supérieure. Mais si on n’est pas présent, la question est plus complexe.

Un dernier point qui n’est pas anodin, ce sont les effets de ricochet que l’on risque d’observer dans l’économie mondiale. Si la Chine est effectivement touchée par une forte hausse des tarifs douaniers, le coup de frein à la croissance chinoise sera également important pour les exportations des entreprises européennes vers ce pays.

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