Vers une crise du commerce maritime mondial ? Les géants du fret et du pétrole ne passent plus par la mer Rouge
Avec les attaques des rebelles Houthis sur les navires passant dans la mer Rouge, les compagnies maritimes commencent à changer de route. Ce qui équivaut à une augmentation des frais de transport. Les chaines d’approvisionnement mondiales sont à nouveau devant un grand défi qui ne semble pas encore entièrement définissable.
Ces dernières semaines, il y a eu plusieurs attaques des rebelles Houthis du Yémen contre des navires passant dans la mer Rouge. Au niveau du détroit de Bab-el-Mandeb, large d’environ 30 kilomètres, plus précisément. Elles s’intensifient, en plus : la semaine dernière, un missile balistique anti-navire a été utilisé contre un porte-conteneur battant drapeau libérien.
Pour les Houthis, il s’agit d’une mesure de soutien à la Palestine, dans le cadre de la guerre entre Israël et le Hamas. Ils indiquent viser des navires israéliens ou allant vers des ports israéliens, mais les attaques ont touché des navires de nombreux pays différents et n’ayant pas Israël comme destination.
Au début de ces attaques, il n’était pas très clair comment la situation allait se développer. Mais l’impact sur le commerce maritime commence petit à petit à se montrer. Ainsi, une nouvelle de taille est tombée ce week-end. Depuis vendredi, CMA CGM, Hapag-Lloyd, Maersk et MSC, quatre des cinq plus importantes compagnies de transport de conteneurs, ont annoncé qu’elles n’emprunteraient plus le chemin via le canal de Suez et la mer Rouge jusqu’à ce que la situation soit sûre, rapporte The Economist.
Ce lundi en fin de matinée, le producteur de pétrole BP annonce ne plus passer par cette route non plus. Comme il fournit aussi du GNL, cette nouvelle pousse immédiatement le prix du gaz européen vers le haut. Il augment de 7%, à 35 euros le MWh.
Plus de la moitié du commerce de conteneurs
Ces quatre groupes représentent ensemble 53% du commerce mondial de conteneurs. Une bonne partie du commerce devra donc être redirigée, pour contourner le continent africain. Cela durera plus longtemps et coûtera donc plus cher. La prime de risque des assurances pourraient aussi devenir plus élevée, ajoutant d’autres frais au voyage. Qui pourraient se répercuter, in fine, sur les produits transportés.
Le détroit de Bab-el-Mandeb, la mer Rouge et le canal de Suez sont une artère très importante du commerce mondial, et surtout pour les connexions Asie-Europe. 12% du volume transporté sur les océans du monde y passent. Pour les conteneurs plus spécifiquement, il s’agit de 30%. Si d’autres compagnies de fret, notamment les pétroliers, suivent la voie des quatre géants et de BP, l’impact pourrait donc devenir encore plus important.
Les ennuis ne viennent en plus pas seuls pour le fret maritime. De l’autre côté du monde, le canal de Panama souffre d’une grave sécheresse et le nombre de bateaux pouvant passer est limité. Là aussi, les compagnies prennent d’autres routes. Ce qui fait également augmenter les frais. Après la pandémie, le chaos régnait sur les chaines d’approvisionnement mondial et les retards étaient importants. Maintenant que la situation s’était enfin rétablie, les chaines d’approvisionnement semblent à nouveau vulnérables et mises à rude épreuve.
Quelle solution ?
Les risques pour l’économie mondiale sont donc importants. Surtout que les Houthis ont “arsenal de missiles anti-navires géant”, selon Fabian Hinz de l’International Institute for Strategic Studies, cité par The Economist. Mais y a-t-il des solutions pour résoudre le conflit ?
Un cessez-le-feu à Gaza, demandé par la majorité de la communauté internationale, indignée par la mort de milliers de civils et de nombreux hôpitaux détruits, ne semble en tout cas pas sur la table pour Israël. Le Hamas, lui, pourrait continuer la guerre pendant longtemps encore, au vu de ses financements. Puis il resterait à voir comment les Houthis accueilleraient les termes du cessez-le-feu.
Une solution diplomatique ? Ces dernières années, les Houthis étaient en guerre contre le gouvernement du Yémen, soutenu par l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Un cessez-le-feu a été convenu en mars 2022. Un accord pour un cesse-le-feu permanent pourrait bientôt voir le jour, rappelle The Economist, et Riyad pourrait donc inclure des termes sur les attaques de navires.
Une présence militaire renforcée et/ou des escortes ? Il y a aujourd’hui déjà des bateaux américains, égyptiens et saoudiens présents devant la côte, pour dissuader le groupe armé d’attaquer les navires. Les marines britanniques et françaises ont elles aussi déjà intercepté des drones et des missiles. Mais néanmoins, des attaques passent toujours dans les mailles de ce filet.
Vers une réponse militaire ? Les Etats-Unis pourraient-ils bombarder les entrepôts des Houthis pour libérer la voie au commerce ? Des plans existent, selon The Economist, tout comme dans le chef d’Israël (les Houthis étant des alliés du Hamas et du Hezbollah du Liban). Mais de là à les mettre en oeuvre, c’est encore une autre étape, surtout qu’Israël est déjà actif sur deux fronts. Puis une guerre dans la mer Rouge stopperait net le commerce, pour une durée indéterminée.
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