Au Mexique, une première femme présidente ?
Les élections mexicaines du 2 juin 2024 devraient entrer dans l’histoire. Jamais auparavant, il n’y a eu autant d’électeurs sur les listes ni autant de postes à pourvoir.
En 2024, les Mexicains éliront un nouveau président et les 628 membres des deux chambres du Congrès, ainsi que neuf gouverneurs d’Etat, de nombreuses assemblées législatives locales et d’autres postes locaux, soit environ 20.000 sièges. Il est presque certain que le poste le plus élevé reviendra pour la première fois à une femme : le parti au pouvoir, le Morena, et le principal front d’opposition présentent tous deux des candidates à la présidence.
Malgré l’importance démocratique de ces élections, elles se déroulent dans des conditions difficiles. La rhétorique clivante du président Andrés Manuel López Obrador et l’érosion des normes démocratiques ont fait des ravages. Le président actuel a cherché à affaiblir l’autorité de l’Instituto Nacional Electoral, la commission électorale, en réduisant sa capacité à superviser l’événement et à prévenir les violations des lois électorales. La Cour suprême a jusqu’à présent rejeté ses propositions mais l’Instituto n‘en est pas moins affaibli. Morena et la coalition d’opposition, composée de trois anciens partis traditionnels (et discrédités), dont le PRI (Partido Revolucionario Institucional), ont enfreint les lois électorales strictes du Mexique en sélectionnant leurs candidats à la présidence avant le début de la période officielle. Les Mexicains ont besoin d’un changement de dirigeants pour d‘autres raisons.
Guère de changement
Le mandat de six ans d’Andrés Manuel López Obrador, qui a débuté en 2018, a été en grande partie mauvais pour le pays. Bien que sa promesse de donner la priorité aux besoins des plus démunis ait conduit à une réduction de la pauvreté, le tableau est mitigé. Les aides sociales ont souvent été utilisées pour s’assurer des votes et beaucoup moins de personnes ont accès aux services de santé. Les meurtres signalés, bien qu’encore scandaleusement élevés (30.000 par an), ont légèrement diminué mais les disparitions, principalement des meurtres sans cadavres, ont augmenté de manière significative pour atteindre plus de 26 personnes par jour. L’économie est stable mais les actions anti-entreprises de López Obrador ont réduit les avantages commerciaux tirés de la proximité des Etats-Unis. La liste des politiques sur le mauvais chemin est longue: soutien aux combustibles fossiles, renforcement du pouvoir de l’armée, remaniement mal planifié des programmes scolaires…
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Mais les Mexicains risquent de ne pas voir beaucoup de changement de la part du prochain président qui entrera en fonction le 1er octobre. Claudia Sheinbaum, la candidate de Morena, est la favorite pour ce poste. Physicienne titulaire d‘un doctorat en ingénierie environnementale, elle s’est montrée active dans des politiques sociales progressistes depuis ses années d‘études. C’est une politicienne expérimentée, ayant été maire de la ville de Mexico de 2018 à juin 2023 (et la première femme à remporter ce poste).
Des élections dangereuses
Protégée du président sortant, Claudia Sheinbaum apportera sa propre approche de la gouvernance. Elle a indiqué qu’elle serait plus favorable aux entreprises et plus soucieuse de l’environnement. Lorsqu’elle était maire, la gestion habile de la sécurité par son administration a entraîné une baisse plus rapide du taux d’homicide dans la capitale que dans l’ensemble du pays. Elle est moins conflictuelle que son mentor. Elle devra également faire face à un plus grand contrôle sur le pouvoir. Il est peu probable que le Morena et ses alliés obtiennent la super-majorité au Congrès dont ils disposaient entre 2018 et 2021, de sorte que la négociation et le compromis seront nécessaires. Cela pourrait servir de garde-fou à la démocratie imparfaite du pays, en la protégeant des penchants les plus néfastes du Morena.
Des turbulences sont à prévoir, tant avant qu’après les élections. Les groupes criminels osent de plus en plus, menaçant et tuant les candidats qui refusent de coopérer. Les élections de mi-mandat de 2021 ont été les plus violentes à ce jour : un nombre record de 35 candidats ont été assassinés. Les élections de 2024 pourraient être encore pires.
Sarah Birke, cheffe du bureau de Mexico de “The Economist”
Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”
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