Une fin de partie bien sombre en Ukraine ?
Une grande partie des conflits armés pourrait s’achever en 2025. Dont celui en Ukraine.
Le 24 février prochain, le conflit en Ukraine entrera dans sa quatrième année. Plus de 200.000 personnes y ont laissé la vie et les blessés sont trois à quatre fois plus nombreux. Des millions de gens ont été déplacés et l’économie ukrainienne a été dévastée. Le pays est confronté à une bombe démographique à retardement après l’exode d’un nombre important de femmes et d’enfants.
L’économie russe a également été secouée par une combinaison de sanctions occidentales, de pénuries de main-d’œuvre causées par le besoin insatiable de chair à canon pour les armées de Vladimir Poutine et par l’exil de nombreuses personnes. Au début du mois de novembre, l’inflation était à deux chiffres, le taux d’intérêt atteignait 21 % et les dépenses militaires et de sécurité représentaient 40 % du budget. Si les hommes de main du président Poutine réduisent les opposants au silence, le maître du Kremlin n’ignore pas que la plupart des Russes en ont assez de la situation.
Une priorité américaine
Alors que les citoyens ukrainiens frissonnent à l’approche d’un troisième hiver consécutif, alors que les centrales électriques et les sources de chauffage sont la cible des missiles et des drones russes, il n’y a qu’une seule raison d’espérer. Que l’année 2025 marque la fin de la plupart des combats. Les deux camps sont proches de l’épuisement et leurs soutiens préféreraient que le conflit s’apaise. À Washington, il s’agira d’une priorité pour la nouvelle administration de Donald Trump.
Avec moins de soutien financier et militaire, ainsi qu’avec le retour de Donald Trump à la Maison Blanche, la pression augmente pour une forme de négociation avec la Russie.
Au début de l’année 2024, un bras de fer au sein du Congrès a provoqué pendant plusieurs mois le tarissement des fonds américains destinés à l’Ukraine, le programme de dépenses existant ayant été épuisé et un nouveau n’ayant pas été approuvé. En 2025, la nouvelle enveloppe de 61 milliards de dollars sera à son tour épuisée, bien que la jeune administration soit susceptible de la geler avant cette date.
Les liquidités ne sont pas le seul problème. Les États-Unis sont à court de matériel militaire à envoyer en Ukraine. Elle doit envisager d’autres partenaires, en particulier Israël et Taïwan. L’approvisionnement est encore plus difficile en Europe, où les gouvernements n’ont pas assez développé la production d’armement afin de répondre aux besoins d’une Ukraine qui ne pourra pas compter sur les États-Unis.
L’Ukraine elle-même possède des industries de fabrication de matériel militaire de plus en plus impressionnantes, notamment dans le domaine de la production de drones. Mais elle aura du mal à combler le fossé avec la Russie lorsque les approvisionnements occidentaux diminueront. Le résultat de l’élection présidentielle américaine étant connu, la pression en faveur d’une forme de négociation avec la Russie augmentera considérablement en 2025.
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Territoires irrécupérables
Que pourrait comprendre un éventuel accord ? L’Ukraine devra accepter de perdre une partie de son territoire. Les 7 % dont la Russie s’est emparée lors de sa première invasion en 2014 (la Crimée et l’est du Donbas) sont certainement irrécupérables. Tout accord impliquera probablement aussi que la Russie conserve une partie, ou la majeure partie,Ò des 11% supplémentaires qu’elle contrôle désormais depuis le début de l’invasion de 2022. En contrepartie, l’Ukraine doit bénéficier de solides garanties en termes de sécurité, l’idéal étant une adhésion à part entière à l’Otan. Cela constituerait probablement une solution acceptable pour Kiev, même si elle sera difficile à avaler.
Cependant, avec le retour de Trump au pouvoir, il semble probable que l’Ukraine ne rejoindra pas l’Otan avant des années, voire jamais ; mais elle pourrait au moins obtenir une certaine forme de garantie de sécurité. Quoi qu’il en soit, il semble désormais très probable que des discussions s’ouvrent en 2025 et qu’à ce moment-là, les combats diminuent fortement, jusqu’à un cessez-le-feu. C’est ce qu’il s’est passé en 2014 (bien que ce cessez-le-feu n’ait jamais totalement tenu). Pendant que les pourparlers se poursuivent, le conflit serait gelé à moitié. Une solution imparfaite, certes, mais bien meilleure que la situation actuelle.
Par Christopher Lockwood, rédacteur en chef pour l’Europe à “The Economist”
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