Un marché des céréales nerveux après les attaques

Céréales
Des employés prélèvent des échantillons de riz nouvellement acheté dans une société du China Grain Reserves Group (Sinograin), à Harbin, dans la province chinoise du Heilongjiang (nord-est), le 28 octobre 2022. © Belga

Les attaques de drones russes sur les sites portuaires ukrainiens du Danube, qui ont endommagé des dizaines de milliers de tonnes de grains mercredi matin, ont accru la nervosité sur le marché des céréales, sans toutefois entraîner de hausse des cours dans leur sillage.

“Les Russes ont frappé des entrepôts et des silos à grains, endommageant près de 40.000 tonnes de céréales attendues par les pays africains, la Chine et Israël”, a affirmé sur Telegram Oleksandre Koubrakov, ministre ukrainien des Infrastructures. Selon l’armée, c’est le port d’Izmaïl, près de la frontière roumaine, qui a été visé à l’aube. “La question est désormais de savoir si les bateaux arrivent à charger (le grain), ou s’il y a un vrai blocage des flux”, générant de la volatilité sur le marché des céréales, a souligné Sébastien Poncelet du cabinet Agritel (Argus Media France).

Mais le cours du blé, “marqueur du conflit”, ne rebondissait pas mercredi à 16H30 GMT: après une semaine de détente sur le marché européen, son prix baissait encore de près de 1% par rapport à la clôture mardi soir, s’établissant à 233,50 euros la tonne pour livraison en septembre. Après avoir gagné près de 5% mardi soir après l’annonce de cette attaque, le prix du principal contrat sur le blé américain SRW (Soft Red Winter Wheat) reculait aussi, cédant 2,07% vers 14H35 GMT.

Escalade des tensions

“C’est un développement significatif, et il est remarquable de voir qu’une nouvelle censée soutenir les cours n’y parvient pas”, a commenté Arlan Suderman de la plateforme StoneX.  Selon lui, les acteurs du marché sont “davantage concentrés” sur les abondants stocks de blé russe, qui inondent les marchés à l’exportation à des prix défiant toute concurrence. Mercredi après-midi, le président turc Recep Tayyip Erdogan a mis en garde son homologue russe Vladimir Poutine, lui demandant “de ne prendre aucune mesure risquant de provoquer une escalade des tensions” en mer Noire. De son côté, la France a accusé Moscou de faire courir “délibérément” un risque pour la sécurité alimentaire mondiale.

Le Danube, voie fluviale empruntée par des dizaines de cargos transitent ces derniers jours, permet à la fois de rallier Constanta (Roumanie) au sud, pour reprendre la traditionnelle route du Bosphore, et le réseau ferré roumain, vers l’ouest. Depuis que la Russie a claqué la porte de l’accord sur les céréales ukrainiennes le 17 juillet, les deux petits ports fluviaux d’Izmaïl et Réni, dans la région d’Odessa frontalière avec la Roumanie, sont devenus la principale voie de sortie du blé et du maïs ukrainien. Bateau après bateau, entre 3,5 et 4 millions de tonnes de céréales peuvent être expédiées chaque mois par le fleuve, a précisé Damien Vercambre, courtier au cabinet Inter-Courtage.

“Etouffer l’Ukraine”

Mais depuis la fin du corridor maritime, Moscou a multiplié les frappes contre les infrastructures portuaires ukrainiennes, faisant grimper à nouveau le prix des céréales. “L’objectif de la Russie est d’étouffer l’Ukraine, et de toucher une de ses principales rentrées de devises”, a-t-il commenté.

Depuis le début des frappes sur les silos, “entre 160.000 et 180.000 tonnes” de céréales ont été détruites, a détaillé M. Vercambre, sur un total de 35 millions de tonnes de céréales que l’Ukraine va tenter d’exporter cette année.

Les opérateurs sont toutefois “moins inquiets” qu’auparavant au sujet de ce type d’attaques russes, “car ils estiment que l’Ukraine a le temps de trouver des solutions pour créer des corridors terrestres avec le soutien financier de l’Union européenne”, a estimé Arlan Suderman. “Si les dégâts sont limités ou localisés, c’est la réalité commerciale qui prend le dessus”, et fait ainsi redescendre les cours, a abondé Sébastien Poncelet.

Face au blé russe, abondant et peu cher, le prix du blé français ou américain est actuellement trop élevé pour les acheteurs. Depuis une semaine, son cours à la tonne baissait de ce fait d’environ “cinq euros tous les jours” sur le marché européen, a-t-il illustré.

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