Un accord commercial durable entre les États-Unis et la Chine est-il possible?

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Jozef Vangelder Journaliste chez Trends Magazine

Les États-Unis et la Chine ont décidé de faire une trêve de 90 jours dans leur guerre commerciale. Va-t-elle tenir au-delà de ce délai ? Philippe Snel, avocat d’affaires à Shanghai, reste sceptique, mais voit aussi un côté positif : « Espérons que les deux pays ont enfin compris qu’ils ont besoin l’un de l’autre. »

Les États-Unis et la Chine ont convenu d’une trêve de 90 jours dans leur guerre tarifaire. Les États-Unis ont réduit les droits de douane sur les produits chinois à 30 %, tandis que la Chine a abaissé les siens sur les produits américains à 10 %.

« Ce qui est frappant, c’est à quel point cet accord suscite peu d’agitation en Chine : ni dans les médias, ni sur Internet, ni chez les hommes d’affaires », explique Philippe Snel, un Belge qui dirige depuis plus de vingt ans le cabinet d’avocats d’affaires Da Wo Law Firm à Shanghai. « Même mes amis chinois n’en parlent pas. Ils savaient que les États-Unis finiraient par reculer. La situation était intenable. Le tarif douanier américain de 145 % revenait à un embargo de fait sur les produits chinois. Les importations américaines en provenance de Chine étaient quasiment à l’arrêt. Cela mettait Donald Trump sous une pression énorme. »

Les Chinois ne se sont pas non plus facilités la tâche, avec un tarif d’importation de 125 %.

Philippe Snel : « En effet. De nombreuses usines étaient à l’arrêt, notamment dans le sud de la Chine. Mais la Chine a toujours clairement fait savoir qu’elle ne voulait pas de guerre commerciale et qu’elle était prête à faire un pas en arrière. »

Une trêve est donc en place. Un accord commercial durable pourrait-il suivre ?

« Il y a des signes encourageants. Le ministre américain des Finances, Scott Bessent, a déclaré que les deux pays avaient compris qu’ils ne voulaient pas découpler leurs économies. C’est un ton beaucoup plus positif que ce à quoi on aurait pu s’attendre.

Mais le vrai problème, c’est que ce n’est qu’une solution temporaire. L’incertitude demeure. En outre, une taxe d’importation américaine de 30 % reste en vigueur sur les produits chinois, ce qui est encore suffisant pour perturber les échanges. Peu de produits ont une marge bénéficiaire suffisante pour absorber une taxe de 30 %. On ne peut donc pas parler ici d’un enthousiasme débordant. Je pense que la Chine a surtout voulu montrer, à travers cet accord, qu’elle était prête à négocier. »

La Chine est-elle un partenaire fiable ? En janvier 2020, un accord avait déjà été conclu avec les États-Unis, mais les engagements d’achat n’ont pas été tenus.

« Cela était dû à la pandémie de Covid-19. Cela dit, on peut constater une certaine avancée aujourd’hui. Espérons que les deux pays ont enfin compris qu’ils ont besoin l’un de l’autre. Jusqu’à présent, cette prise de conscience était plus forte du côté chinois que du côté américain. Avec un peu de chance, non seulement les États-Unis, mais tous les autres pays comprendront qu’un monde sans la Chine n’est tout simplement pas possible. »

Pourquoi pas ?

« On ne peut pas ignorer la deuxième économie mondiale. La Chine, ce n’est pas seulement le pays qui fabrique nos jouets et notre électronique. C’est une pièce maîtresse dans les chaînes de production mondiales et un acteur majeur dans le système financier mondial. Et n’oublions pas les innombrables entreprises occidentales qui y font de très bonnes affaires. »

« On ne peut pas mettre la deuxième économie mondiale de côté »

— Philippe Snel, avocat d’affaires à Shanghai

Peut-être que la Chine pourrait ajuster son attitude envers les entreprises étrangères ? Les relations récentes n’ont pas été optimales.

« Absolument. La Chine doit ouvrir encore davantage ses portes aux investisseurs étrangers. Tout n’est pas encore totalement équitable pour les entreprises occidentales. Mais il y a un réel progrès, par exemple, en matière de protection de la propriété intellectuelle. »

« Donald Trump aussi devrait revoir sa position. Il aime faire croire que les États-Unis se font avoir par la Chine, selon ses propres mots. Mais il oublie de dire que les entreprises américaines gagnent bien leur vie grâce à la Chine. Les produits qu’elles font fabriquer ici, elles les revendent avec de belles marges aux États-Unis. »

Pendant ce temps, la Chine s’efforce de forger ou renouer des liens économiques avec d’autres pays.

« Cela fait longtemps que la Chine essaie de réduire sa dépendance à l’égard du marché américain. Elle tente de se rapprocher à nouveau de l’Inde, et elle entretient un dialogue avec le Brésil, l’Afrique du Sud et d’autres pays. Les Américains font d’ailleurs la même chose : ils cherchent eux aussi à diversifier leurs liens économiques. »

En tant qu’avocat d’affaires à Shanghai, remarquez-vous un regain d’intérêt étranger pour le marché chinois, maintenant que les États-Unis se referment sur eux-mêmes ?

« Oui, il y a un effet tangible. Sous la présidence de Joe Biden, mon téléphone restait assez silencieux. Quand je contactais des clients, ils me répondaient que les choses bougeaient aux États-Unis et qu’y faire des affaires était plus simple qu’en Chine. Mais depuis que Donald Trump a brandi ses tarifs douaniers début avril et tenu des propos hostiles vis-à-vis de l’Europe, la perception a un peu changé chez les investisseurs étrangers. Ils se disent : “Ce n’est pas facile en Chine, mais au moins, la situation est stable.” »

« Ce matin encore, j’ai parlé avec une entreprise industrielle de la région de Bruxelles, qui envisage de s’implanter ici, pour se rapprocher de ses clients. Elle commencerait petit, avec un entrepôt pour gérer les stocks, et à terme, elle pourrait ajouter de l’assemblage sur place. La production aux États-Unis reste une option, mais l’incertitude liée à la guerre commerciale et aux tarifs douaniers y rend les décisions très difficiles. Aujourd’hui, les entrepreneurs ne peuvent pas décider, car ils ne savent pas ce que demain leur réserve. »

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