Trump à Davos: “produire en Amérique” ou “payer des droits de douane”
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Venez produire en Amérique ou préparez vous à payer des droits de douane: c’est l’avertissement lancé jeudi par Donald Trump aux grands patrons réunis pour l’écouter à Davos.
Des rires, quelques applaudissements, beaucoup de téléphones levés et une salle comble: quand il apparaît jeudi sur un écran géant à Davos, Donald Trump est accueilli comme une star. Au premier rang, à côté du fondateur du Forum de Davos Klaus Schwab, on repère la présidente de la BCE Christine Lagarde, le président polonais Andrzej Duda, la patronne du FMI Kristalina Georgieva ou celle de l’Organisation mondiale du Commerce Ngozi Okonjo-Iweala. L’événement prend vite des allures de scène de théâtre, bien loin du ton souvent policé des tables rondes et conférences du Forum de Davos.
A l’apparition du dirigeant américain sur trois écrans géants, droit derrière son pupitre officiel, les applaudissements nourris fusent, des dizaines de bras lèvent leur téléphone pour immortaliser le moment. Pêle-mêle, le président enchaîne pendant 30 minutes son programme présidentiel en parlant pétrole, immigrés clandestins, taux d’intérêts, et même la question des transgenres devant un parterre davantage habitué à entendre parler de résilience ou de transition climatique.
Il a ainsi invité les patrons réunis à venir “produire en Amérique”. “Mon message pour toutes les entreprises dans le monde est simple: venez fabriquer vos produits en Amérique et vous bénéficierez des impôts parmi les plus bas au monde. Mais si vous ne les produisez pas aux Etats-Unis, ce qui est votre droit, alors, très simplement, vous devrez payer des droits de douane”, a déclaré M. Trump lors d’un discours en ligne.
Le président américain avait déjà répété lundi, lors de son retour à la Maison Blanche, son intention d’imposer des droits de douane contre certains des principaux partenaires commerciaux des Etats-Unis, la Chine mais aussi le Canada et le Mexique, pourtant théoriquement protégés par le traité de libre-échange entre les trois pays nord-américains (USMCA). Il souhaite également prolonger les baisses d’impôts accordées durant son premier mandat, qui doivent arriver à terme en 2027, et les amplifier, comptant sur les droits de douane pour compenser les baisses de rentrées fiscales.
Faire baisser le coût du pétrole
Durant son discours, Donald Trump a également appelé l’Arabie saoudite et les pays de l’Opep de “baisser le coût du pétrole”, estimant que cela aurait dû être fait plus tôt et aurait permis de mettre fin à la guerre en Ukraine.
“Je vais demander à l’Arabie saoudite et l’Opep de baisser le coût du pétrole, je suis d’ailleurs franchement surpris qu’ils ne l’aient pas fait avant l’élection. Ne pas le faire n’était pas franchement une preuve d’amour. Si le prix était plus bas, la guerre en Ukraine serait aussitôt terminé”, a-t-il insisté. Les propos du président américain ont pesé sur les cours du baril, qui ont basculé dans le rouge après avoir débuté la journée à la hausse.
A Kiev, la présidence ukrainienne a dit soutenir “pleinement” les efforts du président américain pour réduire la pression exercée sur la Russie, en baissant les prix du pétrole, afin que Moscou mette fin à la guerre.
Vers 16H45 GMT, le prix du baril de Brent de la mer du Nord, pour livraison en mars, perdait 0,91% à 78,30 dollars. Son équivalent américain, le baril de West Texas Intermediate, pour livraison le même mois, lâchait 1,07% à 74,65 dollars. Donald Trump a également accentué la pression sur le président de la Réserve fédérale américaine (Fed), en jugeant que les taux d’intérêts devaient baisser “immédiatement”. “Avec les prix du pétrole qui vont baisser, j’exige que les taux d’intérêt baissent immédiatement et, de la même manière, ils devraient baisser partout dans le monde. Les taux d’intérêt devraient nous suivre partout”, a insisté M. Trump..
Milei défend son “cher ami” Elon Musk
Un de ses proches alliés revendiqué, le président argentin ultralibéral Javier Milei, s’était félicité lors d’un discours à Davos que l’Argentine “embrasse à nouveau l’idée de liberté”. “C’est cela, je crois, que le président Trump va faire dans cette nouvelle Amérique”, a-t-il ajouté.
Il a fait l’éloge de dirigeants pensant comme lui, tels Donald Trump mais aussi la Première ministre italienne Georgia Meloni, le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, le Premier ministre hongrois Viktor Orban et le président du Salvador Nayib Bukele: “Lentement s’est formée une alliance internationale de toutes ces nations qui veulent être libres et qui croient aux idées de liberté.”
Javier Milei a également pris la défense de son “cher ami” Elon Musk, devenu incontournable ces derniers mois aux côtés de Donald Trump et accusé d’avoir fait un salut nazi lors d’un récent meeting à Washington. L’homme le plus riche du monde a nié que telle était son intention.
Il “été injustement vilipendé par le wokisme dans les dernières heures pour un geste innocent, qui signifie uniquement (…) sa gratitude envers les gens”, a assuré Javier Milei.Loin des valeurs d’ouverture défendues depuis des décennies par le WEF, il a dénoncé le “virus mental de l’idéologie woke”. “C’est la grande épidémie de notre époque, qui doit être soignée. C’est le cancer qui doit être extirpé”, a-t-il insisté. Javier Milei avait déjà salué mercredi à Davos “l’âge d’or” que promet Donald Trump pour les Etats-Unis, “une lumière pour le monde entier”.
Un désastre
Les élites réunies cette semaine à Davos attendaient avec un mélange d’enthousiasme et d’inquiétude l’intervention du nouveau dirigeant de la première puissance mondiale. Ils n’auront pas été déçus.
Si des embardées du président américain font mouche dans une salle qui rit du ton vindicatif du milliardaire, à la sortie, les avis sont plus partagés. Les chefs d’entreprises dans l’assistance semblent loin d’être tous tombés sous le charme du président. “Un désastre”, dit un homme d’affaires américain à l’AFP à la sortie. “Il a l’air d’avoir complètement adhéré à toute la désinformation qui l’entoure. C’est effrayant.” “Que dieu nous garde”, lance un autre participant en quittant la salle.
De nombreux dirigeants et cadres d’entreprises refusent de répondre à l’AFP, visiblement mal à l’aise à l’idée de se mettre en avant, tandis qu’une diplomate estime que le président n’a dit “rien de nouveau”. L’intervention de Trump “montre l’une des raisons pour lesquelles il a gagné les élections, à savoir qu’il parle avec force. On peut ne pas être d’accord avec tout ce qu’il dit, mais il parle avec beaucoup de force”, estime à la sortie Stuart Eizenstat, ancien ambassadeur américain pour l’Union européenne.
Une union fortement critiquée par Donald Trump durant son intervention, notamment quand il répond aux chefs d’entreprises montés sur scène pour le questionner. Très vite la salle se clairsème, tout comme le hall principal. Le spectacle est terminé. Le fraîchement investi 47e président des Etats-Unis a participé en visioconférence depuis Washington, à la réunion annuelle du Forum économique mondial dans la station huppée des Alpes suisses.