En Iran en 2024, tout sera question de succession
L’ayatollah Ali Khaminei, guide suprême du pays, fait ses calculs. Mais une seule réponse prévaut: la survie de son régime.
Alors que la violence est de retour au Moyen-Orient, une question continue de préoccuper l’ayatollah Ali Khamenei, le guide suprême iranien âgé de 84 ans : la survie de son régime. La guerre à Gaza, l’escalade dans les zones à dominante chiite (Irak, Liban et Yémen), les bases militaires flottantes des Etats-Unis au large de ses côtes et, surtout, les manifestations de mécontentement de sa population : tous ces défis seront vus à travers le prisme de sa volonté de voir son système, le Velayat-e faqih, ou régime clérical, se poursuivre après sa mort. La réponse à cette problématique s’appelle sans doute Mojtaba, le deuxième fils du guide suprême, âgé de 54 ans et son successeur officieux. En tant que clerc principal du corps des gardiens de la révolution islamique, la garde prétorienne du régime, il se trouve au sommet des deux principaux piliers de la république, à savoir l’armée et le clergé.
A l’aube de sa vieillesse, le père devrait confier toujours plus de pouvoir à son fils. Dans la région, l’Iran continuera d‘essayer d’intensifier ses efforts sans être entraîné dans une confrontation directe avec les Etats-Unis ou Israël. Ses pays satellites s’efforceront de trouver un équilibre entre projection de leur force et refus de provoquer une guerre susceptible de réduire à néant leurs capacités d’action. L’Iran continuera d’encourager le Hezbollah au Liban, les Houthis au Yémen et les milices chiites pro-iraniennes d’Irak de lancer des attaques sporadiques sur des cibles américaines et israéliennes.
Sur le plan intérieur, le régime restera intransigeant, tout en faisant preuve de suffisamment de souplesse pour amortir toute manifestation de mécontentement intérieur. Le code vestimentaire, emblème de la République islamique depuis la révolution de 1979, sera assoupli. Les hommes sortiront en short et les femmes se débarrasseront de leur voile, mais sous le regard des caméras de surveillance. Certains recevront des amendes, mais comme pour les antennes paraboliques dans les années 1990, le régime finira par céder à la pression sociale. Sur le plan économique, le secteur pétrolier iranien continuera à bénéficier des prix élevés, résultat des tensions régionales.
Nombreux défis
De nombreux défis attendent Mojtaba. Les pays satellites de l’Iran pourraient rompre les rangs et se déchaîner, comme l’a fait le Hamas en octobre en Israël. Son homologue libanais, le Hezbollah, pourrait chercher à l’imiter dans le nord du pays. Les stratèges israéliens pourraient alors tenter de saisir la fenêtre d’opportunité offerte par la présence de tant de porte-avions américains dans la région pour précipiter une attaque contre l’Iran. Mais le risque d‘erreur de calcul est considérable…
Au sommet du pouvoir, les religieux chiites pourraient, de leur côté, rechigner à bénir une dynastie – celle-là même qu’ils ont voulu renverser par une révolution. Surtout, les 87 millions d’habitants du pays pourraient chercher à se débarrasser d’une théocratie obstinée qu’ils considèrent de plus en plus comme un anachronisme. Mais les troubles qui ensanglantent la région rappelleront aux Iraniens le coût de tels bouleversements.
Nicolas Pelham, correspondant au Moyen-Orient de “The Economist”
Traduit de “The World in 2024”, supplément de “The Economist”
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