“Top jobs” européens: rendez-vous la semaine prochaine (si tout va bien)

© Belga

Les chefs d’État et de gouvernement européens ont terminé leur dîner informel lundi soir sans aboutir à un accord sur les “top jobs”, ces quatre fonctions clés à l’Europe. On pensait pourtant l’affaire pratiquement conclue. Mais à l’Europe, plus qu’ailleurs, il ne faut jamais vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué.

On pensait les jeux presque faits autour des “top jobs”, les plus hauts postes d’Europe. Mais, sur le coup de minuit, c’est un Charles Michel bredouille qui s’est présenté devant la presse. « Nous n’avons pas d’accord à ce stade », a-t-il déclaré à l’issue de la rencontre. “De toute façon, l’objectif n’était pas de prendre une décision ce lundi soir. En réalité, les leaders devront prendre deux décisions », a-t-il relevé. Une première sur les “top jobs” et une seconde sur l’agenda stratégique, cette feuille de route qui doit guider la prise de décision au cours de la prochaine législature. “Nous devons nous entendre sur la composition de l’équipe et sur le programme”, a souligné Charles Michel. Ces deux volets devraient être adoptés au sommet des 27 et 28 juin. Et le président du Conseil européen l’assure: “C’est notre devoir collectif de prendre une décision avant la fin du mois.” Tout devra donc être tranché la semaine prochaine. 

Les quatre top jobs

Présidence de la Commission européenne
Présidence du Conseil européen
Présidence du Parlement européen
Haut représentant pour la politique étrangère

Charles Michel prône-t-il la méthode Coué?

Michel peut se montrer optimiste puisque tant le président français Emmanuel Macron que le chancelier allemand Olaf Scholz souhaitent trancher rapidement. Des discussions poussées auraient même déjà eu lieu dans le cadre du sommet du G7 en Italie. Le contexte exige en effet qu’il y ait un peu moins de palabres et des actions rapides. Au point que quelques jours après les élections une solution semblait déjà fournie sur un plateau par les différentes parties.

Les dirigeants membres du Parti populaire européen (PPE) ont soutenu en bloc un second mandat d’Ursula von der Leyen à la présidence de la Commission européenne.

La Maltaise Roberta Metsola, qui appartient également au PPE, avait annoncé sa candidature pour rester présidente du Parlement européen pendant deux ans et demi.

Les libéraux du Renouveau ont proposé que la Première ministre estonienne Kaja Kallas remplace le socialiste espagnol Josep Borrell et devienne le prochain Haut représentant pour la politique étrangère.

Enfin pour succéder à Charles Michel à la présidence du Conseil européen, les socialistes ont milité pour l’ancien premier ministre portugais Antonio Costa.

Il y avait là un bel équilibre entre les trois premières familles politiques du Parlement européen (le parti populaire européen (PPE, démocratie-chrétienne), les socialistes et démocrates (S&D) et Renew Europe (RRE, libéraux)), une bonne répartition géographique et même trois femmes. Du velours, pensait-on. Dès lors pourquoi cette annonce en forme de demi-aveux d’échec ?

Un PPE trop gourmand ?

Il semble que l’on doive regarder du côté du Parti populaire européen (PPE). Il aurait voulu profiter de sa position de force pour tenter de prendre un peu plus du gâteau. Sorti grand gagnant des élections et comptant aujourd’hui plus de la moitié des 27 chefs d’états européen, le PPE pensait avoir un boulevard. Il a ainsi proposé de garder le mandat de la présidence du parlement européen pendant 5 ans ou de scinder le mandat du président du Conseil européen en deux périodes de deux ans et demi pour que le premier ministre croate Andrej Plenkovic succède à M. Costa. En réalité un camouflet puisqu’un mandat à la tête du Conseil européen est généralement automatiquement reconduit après les deux ans et demi. Pour plomber Costa, Tusk a même lâché juste avant le sommet un peu cordial : « Costa est compétent. Mais il faut éclaircir le contexte juridique, vous savez de quoi je parle.” Pour rappel, Costa a été Premier ministre du Portugal durant huit ans avant d’être forcé de démissionner en décembre dernier sur fond de soupçon de corruption. Il aurait été mis hors cause depuis. Mais ce n’est pas la seule maladresse du parti.

Giorgia Meloni et la peur d’une surprise

Le PPE aurait aussi singulièrement manqué de subtilité en cherchant à imposer Mme Von der Leyen sans impliquer les partenaires ou partager les détails. À en croire les analystes, leur vraie gaffe aura surtout été de tenter par cette manœuvre d’isoler Giorgia Meloni. Si elle semble de moins en moins encline à un second mandat d’Ursula, elle n’en dirige pas moins l’Italie, l’un des pays fondateurs de l’Europe. Elle est aussi présidente du parti des Conservateurs et Réformistes européens (ECR). Ce qui fait, qu’au sein du Conseil, ils sont nombreux à penser qu’elle ne peut être balayée d’un revers de la main, selon des sources diplomatiques reprises par De Standaard.

Von der Leyen n’en est que trop consciente et cherche depuis des mois à se rapprocher d’elle. Visiblement sans trop de succès. De quoi lui donner quelques sueurs froides puisqu’elle doit recueillir la majorité qualifiée au sein du Conseil (l’accord de 15 pays représentant 65% de la population de l’UE) pour être élue. Or pour être confortable, il lui manque encore quelques appuis. Surtout que rien n’interdit de croire qu’une redite d’il y a cinq ans est possible. Une volte-face européenne qui a vu Manfred Weber et Frans Timmermans, les favoris d’alors, repartir les mains vides pour laisser la place à une Ursula von der Leyen qu’on n’attendait pas. Et si von der Leyen n’a cette fois rien laissé au hasard, elle sait aussi mieux que quiconque que rien n’est acquis. D’autant plus qu’elle ne s’est pas faite que des amis. Viktor Orban en tête. Et Charles Michel peut-être, un peu, aussi.

Mark Rutte, qui souhaite succéder à Jens Stoltenberg au secrétariat général de l’OTAN, serait lui par contre un peu plus proche d’atteindre son but. Déjà soutenu par 29 des 32 membres de l’Alliance, il aurait adouci la position de Viktor Orban et ainsi dégagé la voie.

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