Taxation des multinationales: la Commission remet le couvert
Ne dites plus ACCIS, mais BEFIT. La Commission européenne a présenté une nouvelle proposition pour harmoniser les bases taxables et régler le problème des prix de transfert.
On s’était réjoui en 2021 lorsque 140 pays avaient adopté un accord historique visant à harmoniser l’impôt des sociétés et à éviter à l’avenir une trop grande optimisation fiscale de la part des multinationales.
L’accord reposait sur deux piliers. Le pilier 1 vise à mieux répartir, en fonction de leurs lieux d’activité, les bénéfices des grandes multinationales et à éviter qu’une partie des bénéfices soient envoyés dans les juridictions où ils sont les moins imposés, indépendamment de là où ces profits avaient été réalisés. Le pilier 2 a pour objectif de faire disparaître une concurrence fiscale excessive, en établissant un taux d’imposition minimum de 15% aux multinationales générant plus de 750 millions de recettes financières.
Mais pour faire aboutir ces bonnes dispositions, il faut désormais travailler au niveau des États afin de traduire cette volonté d’harmonisation en textes légaux.
L’échec d’ACCIS
Ainsi, pour que ces accords soient effectifs au sein de l’Union européenne, il faut d’abord harmoniser l’assiette fiscale des sociétés pour éviter que la concurrence fiscale ne se déplace dans ce domaine avec des pays définissant une assiette fiscale plus réduite que d’autres.
Un premier projet de la Commission, ACCIS ((Assiette commune consolidée pour l’impôt des sociétés), visait justement à harmoniser les bases taxables des sociétés ayant en Europe des activités transnationales et affichant un chiffre d’affaires de plus de 750 millions d’euros. Mais ce projet, initié dès 2016, avait suscité beaucoup de critiques. D’un côté, en prévoyant une mise en œuvre en plusieurs étapes, il complexifiait grandement le travail administratif des entreprises. Et de l’autre, la Commission avantageait les grands pays au détriment des petits en prévoyant de répartir entre pays les revenus déclarés d’une multinationale via une clé qui tiendrait compte de l’importance des actifs établis dans le pays, de la main-d’œuvre employée et du chiffre d’affaires réalisé. Selon une évaluation réalisée en 2011, avec une telle harmonisation, la base taxable des sociétés belges aurait augmenté de 20 % alors que dans le même temps, pour l’État belge, les recettes de l’impôt des sociétés auraient diminué de 4 milliards.
Une base agrégée
La Commission a donc remis son ouvrage sur le métier et proposé, mardi, un nouveau projet, baptisé BEFIT (Business in Europe: Framework for Income Taxation) qui, s’il est adopté, entrerait en vigueur en juillet 2028 (le texte de la Commission est disponible ici ).
Le principe de BEFIT est d’agréger les comptes des diverses entités d’une multinationale pour créer une seule base fiscale, impliquant donc une compensation transfrontière des pertes. Puis sur base de règles de répartition transitoire, chaque entité du groupe se verrait allouer un pourcentage de la base d’imposition agrégée, pourcentage calculé sur la base de la moyenne des résultats imposables des trois exercices précédents.
Par ailleurs, la proposition de directive comprend aussi un volet concernant les prix de transfert. Pour faire simple, les prix de transfert intragroupe devraient désormais être estimés sur base des prix appliqués aux transactions effectuées avec des parties tierces. Cela éviterait qu’une multinationale sur-facture ou sous-facture certains transferts réalisés entre filiales du groupe pour, une fois encore, déplacer les profits dans les juridictions les plus favorables. Cette mesure sur les prix de transfert, si elle est adoptée par les États membres, entrerait en vigueur dès janvier 2026.
Réduction de coûts pour les entreprises
Tant sur BEFIT que sur les prix de transfert, la Commission estime aujourd’hui que les conditions sont réunies pour emporter l’adhésion des États membres. « Je suis optimiste sur le fait que cette proposition a davantage de chances de succès » , affirme le Commissaire à l’Économie Paolo Gentiloni.
« La proposition facilitera la vie des entreprises comme des autorités fiscales grâce à la mise en place d’un nouvel ensemble unique de règles pour déterminer la base d’imposition des groupes d’entreprises, commente la Commission. Elle réduira les coûts de mise en conformité des grandes entreprises qui exercent des activités dans plusieurs États membres et permettra aux autorités fiscales nationales de déterminer plus facilement quels impôts sont dus à juste titre. Les nouvelles règles, plus simples, pourraient donner lieu à une réduction allant jusqu’à 65 % des coûts de mise en conformité fiscale des entreprises opérant dans l’UE ».
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