Stopper l’emballement de la dette américaine ? Facile sur papier, plus difficile en pratique
Pour réduire l’emballement de la dette publique américaine qui a dépassé les 33.000 milliards de dollars en septembre, le plus simple serait de relever les impôts des plus riches. Mais cette mesure n’est dans aucun agenda politique.
Lors de la présentation des perspectives économiques de Candriam pour l’année qui vient, Anton Brender, le chief economist du gestionnaire d’actifs, a expliqué pourquoi le problème de la dette américaine pourrait continuer à nous empoisonner la vie.
Les Etats-Unis se débattent en effet avec des problèmes budgétaires importants qui se traduisent régulièrement par des menaces de « shutdown », c’est à dire de paralysie budgétaire de l’Etat fédéral américain si le Congrès ne tombe pas d’accord sur le budget.
On en a évité un voici quelques semaines encore.
Quelles marges de manœuvre ?
C’est que la situation financière américaine pourrait être préoccupante : le déficit public avoisinerait les 8% de PIB cette année, et l’endettement total a dépassé les 33.000 milliards de dollars. Une dette devenue ingérable ?
« Sur papier, les États-Unis ont des marges de manœuvre, répond Anton Brender. Mais il y a un vrai problème qui pourrait nous donner des soucis, et ce problème est politique. Les Américains sont en train de montrer qu’ils sont incapables de gérer leur trajectoire de dettes et de prendre des décisions budgétaires ».
Les économistes de Candriam ne sont pas les seuls à le constater. Les agences de notation aussi. Après Fitch qui a dégradé cet été la note américaine (qui a perdu ainsi son label « triple A), c’est Moody’s, qui a, le mois dernier, placé la dette américaine sous « perspective négative », qui est l’étape précédant une possible dégradation.
Polarisation politique
Cela a fait hurler le trésor américain, qui estime que ces décisions sont « arbitraires ». Mais la réaction des agences de rating est le résultat de l’incapacité du monde politique américain à s’entendre alors que le système politique le demande. Depuis 1917, en effet, il existe un « plafond de la dette », un montant brut que l’Etat fédéral ne peut pas franchir sans un nouvel accord budgétaire au Congrès. Depuis 1960, ce plafond a été rehaussé environ 80 fois. Cela nécessite donc, chaque fois, un accord budgétaire. Mais la configuration extrêmement polarisée du Congrès rend la conclusion de nouveaux accords de plus en plus difficile.
Pourtant, sur papier, la solution paraît simple, ajoute Anton Brender. « Il existe en théorie deux solutions pour résoudre le problème de soutenabilité de la dette publique américaine. La première est de réduire les dépenses discrétionnaires. Mais il n’y a pratiquement plus de dépenses discrétionnaires aux États-Unis. Les dépenses fédérales sont constituées pour moitié des dépenses relatives à la défense, et pour l’autre moitié des coûts de fonctionnement du gouvernement ». Difficile de couper aujourd’hui dans l’un ou dans l’autre.
Relever l’impôt ?
La solution la plus simple consiste donc à lever des impôts, « mais ce n’est absolument pas la politique qui est envisagée aujourd’hui », note le chief economist de Candriam qui rappelle que si les agences de notation ont mis la note des États-Unis sous perspective négative, c’est en partie parce que l’Etat et le Congrès sont incapables de prendre une décision budgétaire ». Et c’est évidemment très embêtant quand on veut gérer la trajectoire de la dette.
« Mais la dette américaine est très facile à remettre sur une trajectoire soutenable, ajoute Antin Brender. Comment ? En augmentant les impôts – et il y a largement de quoi – sur les 5% les plus riches ». Selon les calculs de Candriam, si l’Etat fédéral supprimait le plafond sur les cotisations sociales (qui fait que les 20% les plus riches ne paient en cotisations sociales que 12% de leurs revenus, contre environ 14 à 16% pour les revenus moins élevés), et si donc le taux de cotisations pour les 20% les plus aisés passait à 15%, cela réduirait le déficit primaire (hors charge d’intérêt) de 0,7 points de PIB. Et si le taux moyen d’imposition sur les 1% les plus riches passait à 37% (alors qu’il est, après l’expiration des baisses d’impôts initiées par Donald Trump, à 29% aujourd’hui), cela engendrerait une réduction du déficit d’un autre point de PIB.
Cette hausse des impôts sur les ménages les plus élevés est importante, admet Candriam. Mais sur dix ans, son montant serait proche de celui de l’épargne excédentaire qui avait été récemment constituée en raison du covid et des aides gouvernementales. Ce serait en quelque sorte un prêté pour un rendu.
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