Sous les regards internationaux, la Belgique pose de solides conditions à l’utilisation des avoirs russes

Bart de Wever - Tobias SCHWARZ / AFP
Baptiste Lambert

La Belgique est dans une position inconfortable. Alors que se pose la question d’un nouveau soutien à l’Ukraine, l’utilisation des milliards d’avoirs russes gelés est au cœur des débats. Le Premier ministre Bart De Wever a posé de sérieuses conditions. Le problème est donc mis sous le tapis jusqu’au prochain sommet, dans deux mois.

À Bruxelles, le sommet européen d’octobre devait sceller un accord sur le financement de l’aide à l’Ukraine. Il s’est terminé dans la confusion. Le plan, défendu par la Commission, consistait à emprunter jusqu’à 140 milliards d’euros sur les quelque 200 milliards d’avoirs russes bloqués dans l’Union européenne, dont l’essentiel — près de 90 % — est détenu à Bruxelles via Euroclear.

Mais la Belgique, directement exposée en cas de représailles, a décidé de freiner. Bart De Wever a exigé des garanties claires sur la légalité et la sécurité du dispositif. « Il n’y a pas de précédent dans l’histoire moderne », a-t-il rappelé, soulignant que « même pendant la Seconde Guerre mondiale, cela ne s’était pas produit ».

Le Premier ministre a posé trois conditions avant tout feu vert : une base juridique solide, une mutualisation européenne des risques en cas de remboursement à Moscou et une participation du G7 à l’effort collectif. Faute de réponse claire, il a bloqué le texte. Résultat : le projet a été vidé de sa substance, et la décision repoussée au sommet de décembre.

Entre droit et politique

Au sein du Conseil, le ton est monté. La présidente de la Banque centrale européenne, Christine Lagarde, a toutefois appuyé la prudence belge : le plan ne pourrait voir le jour sans garanties que la Russie serait remboursée si elle revendiquait ses avoirs après la guerre. « Qui serait prêt à payer pour cela ? », a lancé Bart De Wever. Aucun État n’a levé la main.

Pour le chef du gouvernement, la question dépasse la solidarité européenne : elle touche à la crédibilité du système financier européen. En cas d’erreur, c’est la confiance dans l’ensemble du secteur bancaire qui serait ébranlée. « Si la Russie peut réclamer son argent, il faut que la somme soit disponible immédiatement. Qui garantit cela ? », a-t-il insisté.

Cette position, jugée « intransigeante » par certains partenaires, est saluée à Bruxelles comme une défense du droit international. Mais elle isole aussi la Belgique, désormais perçue comme l’État membre qui retarde une décision politique attendue à Kiev. Ce n’est pas dans l’habitude d’un des six membres fondateurs de l’UE qui accueille les principales institutions.

Une Europe sous tension

Pour l’Union, la séquence illustre les difficultés croissantes autour de l’aide à l’Ukraine. Le président français Emmanuel Macron a tenté de relativiser l’échec, affirmant que « le plan n’est pas enterré » et qu’il reste « des discussions techniques à mener ».

Dans les couloirs du Conseil, beaucoup admettent qu’il n’existe pour l’instant aucune alternative crédible à l’utilisation des avoirs russes pour financer la guerre et la reconstruction. Une nouvelle émission de dette européenne reste politiquement inenvisageable, Budapest y opposant déjà son veto.

À l’extérieur, les regards se tournent vers Washington, où Donald Trump, tout juste revenu à la Maison-Blanche, a annoncé de nouvelles sanctions contre les géants pétroliers russes. Mais son attitude ambiguë face à Moscou pousse l’Europe à prendre davantage de responsabilités.

Un sursis

Au fond, la position belge traduit les difficultés européennes : vouloir soutenir l’Ukraine sans fragiliser les fondations juridiques et financières de l’Union. Bart De Wever, engagé dans un assainissement budgétaire difficile à domicile, ne peut se permettre d’endosser des risques imprévisibles pour un plan de 140 milliards d’euros qui représentent 20% du PIB belge.

Dans l’immédiat, la Belgique ne bloque pas les discussions, mais impose ses règles du jeu. « Nous avons convenu du quoi, il reste à définir le comment », a résumé Ursula von der Leyen en clôturant le sommet.

La prochaine bataille se jouera en décembre. Il s’agit donc d’un simple sursis pour la Belgique.

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