Sondage: les Belges craignent un retour de l’inflation et se divisent sur un boycott des produits américains 

Bpoycotter les produits américains comme le Coca? La production est souvent européenne. (AFP)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

Il ressort de notre grande enquête Kantar qu’une large majorité de la population craint un impact négatif des tensions internationales pour leur portefeuille. Près d’un Belge sur deux songe à un boycott des produits américains. “Je peux comprendre, mais cela signifie que des entreprises tomberont chez nous”, dit Bertrand Candelon (UCLouvain).  

75,3% des Belges pensent que le climat de tension actuel aura un impact sur leur porte-monnaie, contre à peine 11,9% estimant que cela ne fera pas de différence. 81,4% craignent également une augmentation des prix. Le constat est clair, fuit de notre grande enquête réalisée pour Le VifKnackTrends-TendancesTrendsCanal Z et De Zondag par l’institut de sondage Kantar. Une large majorité que la guerre commerciale généralisée, survenue après l’enquête, ne fera que renforcer. 

Une crainte de l’inflation “justifiée”

Cela démontre que la population comprend les mécanismes économiques, ce qui est plutôt positif, sourit Bertrand Candelon, professeur d’économie à l’UCLouvain. L’augmentation des droits de douane, les ripostes attendues et la relocalisation d’activités avec une main d’oeuvre plus chère vont forcément augmenter les prix. La libéralisation des échanges, c’est ce qui avait fait augmenter notre pouvoir d’achat depuis quarante ans. Dans une étude, j’ai démontré que ces échanges représentaient 1,5% de PIB en plus chaque année. Si on referme les frontières, l’impact négatif sera considérable, c’est clair. De même, si on connaît bien un pays et que l’on échange avec lui, on sera moins tenté de lui faire la guerre.” 

Cette crainte au sujet de l’inflation est absolument justifiée, appuie Stijn Baert, professeur d’économie du travail à l’UGent, interrogé par nos confrères du Zondag. Pour commencer, la guerre commerciale entre les Etats-Unis et l’Union européenne aura déjà un impact sur notre portefeuille. Si les entreprises belges exportent soudainement moins vers les Etats-Unis, une partie de leur production va chuter. L’Europe a déjà décidé de réagir avec des taxes supplémentaires sur la production émanant des Etats-Unis. Etant donné que les consommateurs payent la facture totale, taxes comprises, les produits américains couteront forcément plus cher.” 

“A côté de cela, prolonge Stijn Baert, il y a la menace d’une vraie guerre, militaire. En cas de guerre, l’économie se fige, partiellement. Nous l’avons vu en Ukraine et en Russie. La production de céréales et de gaz a chuté, notamment. Cela pousse également le prix à la hausse. La conséquence fut la crise de l’inflation que nous avons connue en 2022. S’il devait y avoir une escalade, on peut s’attendre à des hausses de prix plus fortes encore.”  

Près d’un sur deux pour le boycott des produits US 

Dans ce contexte international troublé, le lien se distant avec les Etats-Unis de Donald Trump. Le président américain et son clan ont multiplié les critiques à l’encontre de l’Union européenne, soutiennent les partis extrémistes dans plusieurs pays et se rapprochent de la Russie dans leur volonté d’obtenir la paix en Ukraine. 

Faut-il boycotter les produits américains (Coca-Cola, Facebook, Tesla…)? 45,7% y sont favorables, 54,3% défavorables, avec une légère différence de sensibilité liée à la langue (43,1% de oui du côté flamand, 48,8% du côté francophone). Les électeurs de gauche et surtout les écologistes à une écrasante majorité y sont favorables. 

Un autre élément est révélateur à cet égard: à la question de savoir où l’on devrait acheter les armes nécessaires à notre défense, 41,1% souhaitent que ce soit dans d’autres pays européens, 38,9% en Belgique et à peine 10,5% aux Etats-Unis! 

“Je peux comprendre que l’on souhaite boycotter les produits américains, c’est un réflexe naturel, réagit Bertrand Candelon. Mais si l’on arrête de consommer du Coca-Cola, il faut savoir que 70% des bouteilles sont produites en Europe, ce qui signifie que des entreprises vont tomber chez nous. Si l’on fait de même avec Tesla, il faut savoir que des entreprises belges fournissent des composantes à l’entreprise, cela fera aussi des dégâts. On pourrait aussi parler des réexportations: on peut boycotter des pistaches américaines, mais les Etats-Unis pourront les vendre à l’Inde qui les vendront chez nous. C’est ce que l’on a vu avec la Russie: nous en sommes au seizième paquet de sanctions… et nous achetons toujours russe. Tout est imbriqué.” 

Par ailleurs, ajoute le professeur d’Economie, Donald Trump est en train de casser la confiance entre l’Europe et les Etats-Unis. “Une fois que l’on impose comme il le fait des droits de douane, et même si l’on se dit prêt à négocier ensuite, quelque chose s’est cassé. Après une telle rupture, un investisseur va réfléchir à deux fois. Cela renvoie aussi à la question des biens militaires: si on sait que les Américains pourraient se retirer, cela sème le doute sur un achat d’armes que l’on peut utiliser avec autorisation américaine, comme le prouve le débat sur le F35. En terme de sécurité et de souveraineté nationales, il y aura une tendance à se rencontre sur nous-mêmes. De même, fera-t-on confiance aux Italiens s’ils négocient directement avec Trump? On en revient à cette évolution du monde où le multilatéralisme se détricote.” 

Cette enquête a été réalisée en ligne par Kantar Insights Belgium du 22 au 28 mars 2025, pour le compte de Le Vif, Knack, Trends-Tendances, Trends, Canal Z et De Zondag auprès de 1 060 Belges âgés de 18 ans ou plus, représentatifs en termes de sexe, d’âge, de région, de niveau d’éducation et de situation professionnelle, avec une marge d’erreur de 3,1 %.   

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