Sommet Trump – Poutine: une équation à trois inconnues compliquée à résoudre

Donald Trump, ce 11 août. (Sipa USA)
Olivier Mouton
Olivier Mouton Chef news

La rencontre en Alaska entre les présidents américain et russe pose au moins trois questions cruciales. La Russie est-elle prête à des concessions? L’Ukraine sera-t-elle écoutée? L’Europe, qui publie ce mardi une déclaration commune, pourra-t-elle peser? Y répondre, c’est parier sur un échec, tout de suite ou à terme. Mais Trump semble déterminé. Alors?

Le jeu de poker menteur est entamé depuis l’annonce d’un sommet Trump – Poutine, vendredi 15 août en Alaska. L’Ukraine sera le principal sujet au menu avec le président américain déterminé à obtenir un cessez-le-feu, sinon les balises d’une paix.

Au vu de la situation sur le terrain, avec une Russie déterminée à poursuivre son offensive, cette perspective semble encore improbable. “Soit j’appellerais Zelensky pour dire que nous avons un deal, soit je lui dirais de continuer à se défendre“, a déclaré en substance Donald Trump.

Arrive ce qui était prévisible: laissée seule face à son agresseur, l’Ukraine ne peut surmonter la disproportion des forces en présence et recule malgré son courage, commente le diplomate français Gérard Araud. Dans ce contexte, refuser une négociation serait de l’inconscience. Et l’Europe? Elle agite un sabre de bois…”

Trois question se posent, au moins, pour une équation infiniment complexe.

1 La Russie est-elle prête à des concessions?

“Je vais m’entretenir avec Vladimir Poutine et je vais lui dire : ‘vous devez mettre fin à cette guerre’“, a déclaré Donald Trump lors d’une conférence de presse à la Maison Blanche, ajoutant qu’il “aimerait voir un cessez-le-feu très, très rapidement”.

La première question, sur toutes les lèvres, est la suivante: Vladimir Poutine est-il prêt à faire des concessions? Le président américain Donald Trump avait indiqué qu’un accord entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin à la guerre entre les deux pays impliquera un futur “échange de territoires”, même si ces plans sont “très compliqués”.

Selon certaines fuites, la Russie conserverait l’intégralité des oblasts de Donesk et Lougansk, partiellement occupés aujourd’hui, le sort de Zaporijjia et Kherson restant indécis.

La Russie obtiendrait aussi une garantie selon laquelle l’Ukraine ne rentrerait pas dans l’Otan. Jusqu’ici, il n’a, par contre, pas été question de garanties de sécurité ultérieures pour l’Ukraine, même si les Européens les réclament et se disent “prêts à y participer”.

En tout état de cause, le rêve poutinien d’annexer des territoires et de remplacer le pouvoir actuel à Kiev par un “régime fantoche” à à sa botte reste d’actualité. Les experts militaires craignent aussi que le président russe cherche surtout à gagner du temps pour préparer une nouvelle offensive.

2 L’Ukraine sera-t-elle écoutée?

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé lundi à ne pas céder aux exigences de Vladimir Poutine, avant le sommet de vendredi. La première question qui se pose: sera-t-il présent sur place et sera-il invité à la table? Donald Trump le souhaite, au moins dans un second temps, Vladimir Poutine le refuse.

L’Ukraine craint que cette rencontre, prévue pour l’heure sans la participation de son président, n’aboutisse à un accord qui la forcerait à céder des parties de son territoire à la Russie. “La Russie refuse d’arrêter les massacres et ne doit donc pas recevoir de récompenses ou d’avantages. Et ce n’est pas seulement une position morale, c’est une position rationnelle”, a déclaré Volodymyr Zelensky sur Facebook. “Les concessions ne persuadent pas un tueur”, a-t-il ajouté. 

Les principaux dirigeants européens sont en contact permanent avec Zelensky et l’assurent de son soutien.

C’est moins clair du côté de Washington, qui souffle le chaud et le froid. Donald Trump s’est dit “un peu contrarié que Zelensky dise: ‘je dois avoir une autorisation constitutionnelle'” pour céder des territoires. “Je veux dire, il a obtenu l’autorisation d’entrer en guerre et de tuer tout le monde. Mais il a besoin d’une autorisation pour procéder à un échange de territoires?”, a-t-il déclaré. “Car il y aura des échanges de territoires.”

Le mot “échanges de territoires”, aux yeux de Kiev, s’apparenterait surtout à ces concessions unilatérales. L’Ukraine sera-t-elle acculée dans le coin et forcée d’accepter un mauvais deal ou à la refuser au risque d’être accusée de vouloir poursuivre la guerre?

3 L’Europe pourra-t-elle peser?

C’est une donnée importante de l’équation. Les Européens ne seront pas à table, en Alaska, c’est une certitude. Mais des concertations ont lieu avec la Maison-Blanche pour tenter de peser sur le sort de la rencontre.

À l’approche de la rencontre entre Donald Trump et Vladimir Poutine, les dirigeants de l’Union européenne ont publié ce mardi une déclaration commune pour réitérer une nouvelle fois leur soutien à l’Ukraine, dont le peuple “doit avoir la liberté de décider de son avenir”. “Le chemin vers la paix en Ukraine ne peut pas être décidé sans l’Ukraine”, martèlent-ils.

“Nous, dirigeants de l’Union Européenne, saluons les efforts du président Trump visant à mettre fin à la guerre (…) et à atteindre une paix juste et durable”, indiquent les signataires, selon lesquels cette paix “doit respecter le droit international, y compris les principes d’indépendance, de souveraineté, d’intégrité territoriale et le principe selon lequel les frontières internationales ne doivent pas être modifiées par la force.”

C’est pourquoi des négociations constructives ne peuvent avoir lieu que dans le cadre d’un cessez-le-feu décidé par les deux parties, estiment les leaders européens. Dans l’intervalle, ceux-ci soulignent qu’ils continueront à fournir “un soutien politique, financier, économique, humanitaire, militaire et diplomatique à l’Ukraine” et à “maintenir et imposer des mesures restrictives à l’encontre de la Fédération de Russie.” Et d’ajouter: “la guerre d’agression de la Russie contre l’Ukraine a des implications plus larges pour la sécurité européenne et internationale. Nous partageons la conviction qu’une solution diplomatique doit protéger les intérêts vitaux de sécurité de l’Ukraine et de l’Europe.”

À cet effet, les États membres se disent prêts à contribuer davantage aux garanties de sécurité et continueront de soutenir l’Ukraine dans son projet d’adhésion à l’UE. La Hongrie n’a pas souhaité se joindre à cette déclaration.

L’équation de ce vendredi 15 août sera compliquée à résoudre.

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