Simplification administrative pour les entreprises : vers des réductions massives des réglementations vertes ?
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La Commission européenne va présenter mercredi son projet de simplification réglementaire destiné à alléger les charges administratives et réglementaires pesant sur les entreprises. Quelques fuites annoncent déjà la couleur. Les principales victimes risquent bien d’être le Pacte vert et la loi sur le devoir de vigilance.
La simplification semble s’être muée en nouveau mantra de l’Europe. Depuis le “rapport Draghi” sur la compétitivité, publié en septembre dernier, jusqu’à l’adoption de la “boussole de compétitivité” fin janvier par la Commission européenne, on assiste à ce qui ressemble à un choc des simplifications.
L’objectif est ambitieux
Sous l’impulsion d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, l’exécutif européen prévoit de réduire de 25 % les charges administratives pour les entreprises et de 35 % pour les PME, permettant ainsi une économie annuelle estimée à plus de 37 milliards d’euros d’ici cinq ans. Pour atteindre cet objectif, la Commission a prévu plusieurs mesures concrètes visant à simplifier plusieurs réglementations simultanément. Ce premier paquet de mesures « omnibus », soit des modifications de lois existantes regroupées dans un seul texte, sera dévoilé ce mercredi. Les détails de la proposition ne seront connus qu’une fois publiés, mais plusieurs fuites annoncent la couleur (ici et là). Et elle n’est pas vraiment verte.
Les principaux axes de la réforme
Les réformes en discussion concerneraient trois volets majeurs du Pacte Vert (Green deal). Soit la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), qui impose aux entreprises un reporting extra-financier détaillé sur leur impact environnemental et social, la directive CSDDD (Corporate Sustainability Due Diligence Directive) qui s’assure du devoir de vigilance des entreprises et qui vise à garantir que les entreprises et leurs chaînes d’approvisionnement respectent des critères stricts en matière de durabilité et de droits humains et, enfin, la taxonomie verte, qui classe les activités économiques selon leur contribution à la transition écologique.
Ces trois réglementations devaient initialement permettre d’évaluer précisément l’empreinte écologique des entreprises et d’orienter les investissements vers une économie plus verte. Mais leur complexité a suscité une fronde quasiment générale. Il y a une quasi-unanimité sur le fait que le reporting exigé de la part des entreprises est trop complexe. A cela s’est ajouté un coût de la mise en conformité des entreprises qui ont explosé, faisant les beaux jours de certains cabinets de conseils.
Une réforme contestée
Si la Commission affirme qu’il ne s’agit pas d’une déréglementation, mais d’une rationalisation des normes, le projet suscite d’intenses débats au sein du Parlement européen et des États membres. Nul ne conteste le fait qu’une réforme était nécessaire et ou que la simplification est un levier essentiel pour relancer la compétitivité européenne. Il n’empêche que celle qui s’annonce a peut-être été trop taillée à la hache. Pour ses détracteurs, cette réforme n’est rien d’autre qu’un prétexte pour rétropédaler sur les acquis du Pacte vert européen. Une approche purement comptable qui validerait un détricotage de ce même pacte.
Parmi les mesures qui font débat, il y a notamment un relèvement des seuils d’application. La CSRD et la CSDDD pourraient ainsi ne s’appliquer qu’aux entreprises de plus de 1 000 salariés, contre 250 actuellement. Un tel changement exclurait une large partie des entreprises européennes du champ d’application de ces textes. Un affaiblissement du devoir de vigilance est aussi sur la table. Les entreprises ne seraient plus tenues d’examiner leurs chaînes d’approvisionnement au-delà de leurs fournisseurs directs et ne seraient plus obligées de rompre avec des partenaires non conformes. Il serait aussi question d’une réduction de la fréquence des contrôles (tous les cinq ans au lieu d’un an). Enfin, la taxonomie verte (soit la classification des activités économiques ayant un impact favorable sur l’environnement) pourrait se muer un système volontaire, rendant plus difficile la comparaison entre entreprises et affaiblissant l’intérêt même du dispositif.
Les entreprises qui ont trop anticipé seront-elles les grandes perdantes ?
On notera que même du côté des entreprises, l’enthousiasme envers une dérégulation généralisée n’est pas unanime. Si les PME se réjouissent d’une réduction de la charge administrative, de grandes entreprises comme Danone et ou Ferrero se sont exprimées publiquement contre ces intentions européennes de simplifier des règles environnementales. Ces entreprises qui ont déjà anticipé ces réglementations ont probablement engagé des coûts superflus, mais pas seulement. Pour attirer d’éventuels investissements nécessaires à la transition, il est nécessaire d’avoir des règles stables. Des règles potentiellement mouvantes entretiennent un flou qui est préjudiciable. Enfin, les standards climatiques sont en passe de devenir des standards mondiaux. En allégeant de trop son Pacte vert, l’Europe risque de perdre le lead en ce qui concerne l’établissement de standards pour la durabilité. Et donc de s’en voir imposé dès qu’elle n’aura pas choisi.
Il s’agit donc de trouver un équilibre entre assouplissement et maintien de certaines règles. D’autant plus que le vrai problème de la compétitivité des entreprises reste surtout les coûts de l’énergie et de la main-d’œuvre.
La proposition n’est néanmoins pas encore tout à fait coulée dans le béton et les lobbyistes tournent encore à plein régime. Et quelle que soit l’issue des négociations, ces réformes devront de toute façon encore obtenir l’aval du Parlement européen et des États membres avant de se concrétiser. Ce qui promet encore de nombreuses discussions houleuses dans les mois à venir.
Vers une nouvelle approche de la réglementation européenne ?
La réforme de plusieurs piliers du Pacte vert n’est pas le seul axe d’attaque envisagé par la Commission européenne pour simplifier à tout va.
Un deuxième axe serait la création d’un statut spécifique pour les entreprises de taille moyenne permettant un allègement des contraintes réglementaires qui freinent leur croissance.
Un troisième axe est la simplification de la législation sectorielle. Plusieurs domaines bénéficieront dans un avenir proche de simplifications spécifiques, notamment :
– L’investissement via une facilitation des financements via InvestEU et le Fonds européen pour les investissements stratégiques.
– La politique agricole commune (PAC), avec des ajustements prévus au deuxième trimestre 2025.
– La cybersécurité, avec une refonte de la législation pour alléger les contraintes des entreprises.
– La défense, avec la mise en place d’un cadre simplifié pour favoriser les investissements.
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