Risque biologique dans un laboratoire au Soudan : « La situation est grave »
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) tire la sonnette d’alarme depuis que des combattants se sont emparés de l’Institut national de la santé à Khartoum, la capitale du Soudan, déchiré par la guerre. Ce laboratoire conserve des virus isolés tels que ceux de la polio et du choléra. Quels sont les risques ?
”Il y a un grand risque associé avec l’occupation des laboratoires publics par l’un des participants au conflit” explique le Dr. Nima Saeed Abid, représentant de l’OMS au Soudan. Il a souligné que la situation est “extrêmement dangereuse“ car le laboratoire contient des échantillons des agents pathogènes de la rougeole, du choléra et de la poliomyélite. Cette occupation présente un “risque biologique énorme“, a-t-il insisté.
L’infectiologue Erika Vlieghe (UZ Antwerpen) interviewée dans De Morgen donne son avis sur les risques encourus. Pour elle, la situation est inquiétante. “C’est certainement grave. Cela m’a immédiatement rappelé la centrale nucléaire en Ukraine qui s’est soudainement retrouvée dans une zone de guerre, mais ici, à un niveau biologique. On ne sait pas encore exactement quels matériaux y sont conservés, mais un tel laboratoire national de santé publique agit comme une bibliothèque où tous les échantillons possibles sont conservés. Il y a déjà le choléra, la polio et la rougeole. »
« Une guerre psychologique »
Concernant le « risque énorme de bombe biologique » mentionnée par le Dr. Nima Saeed Abid, Erika Vlieghe estime que si le risque est bien réel, à ce stade, on ne sait pas encore si les nouveaux “propriétaires” ont des intentions d’utiliser ces matériaux sensibles ou s’il s’agit d’une « sorte de guerre psychologique ».
« En théorie, il est possible d’utiliser les échantillons à des fins militaires. Un certain nombre d’agents pathogènes – qui peuvent provoquer des épidémies – figurent sur la liste des virus susceptibles d’être utilisés à des fins de guerre biologique. »
“L’hypothèse d’une bombe bactérienne reste très hypothétique pour l’instant“
Erika Vlieghe
L’infectiologue flamande est d’avis que l’occupation de ce laboratoire par des personnes malveillantes, ou non, est inquiétante, car ils ont accès à de multiples agents pathogènes. “Cependant, l’hypothèse d’une bombe bactérienne reste très hypothétique pour l’instant“, rassure-t-elle.
Et si une explosion survient ?
Si le laboratoire venait à exploser, Erika Vlieghe explique qu’”il est possible que certains micro-organismes dangereux se retrouvent dans les rues, comme des tubes à essai contenant de la polio ou de la rougeole. Mais cela n’entraînerait pas une nouvelle épidémie, d’autant que ces virus y circulent déjà. »
L’experte trouve, par contre, plus inquiétants les dégâts subis par l’Institut de Santé. « La bibliothèque d’échantillons est perdue et le fonctionnement de l’institut – pensez à la recherche scientifique et aux diagnostics – est paralysé. Sans parler de la banque de sang, qui se trouve également dans l’institut. Autant d’éléments pernicieux pour le fonctionnement normal d’un système de santé national”. Des dangers bien pires, selon elle, que le risque d’une bombe bactérienne.
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