Du Mont Fuji à la forêt équatoriale congolaise, du désert du Sindh aux ruelles de Séville, la chaleur a frappé fort, sec, implacable. Le mois de juin 2025 s’est hissé parmi les plus chauds jamais mesurés dans une quarantaine de pays.
Selon des données collectées par le programme Copernicus et analysées par l’AFP, 12 nations ont battu leurs records absolus, tandis que 26 autres ont connu leur deuxième mois de juin le plus chaud jamais enregistré. En tout, près de 800 millions de personnes ont vécu une chaleur statistiquement inédite.
Derrière les chiffres, une constante : la fréquence et l’intensité croissantes des canicules, amplifiées par le dérèglement climatique. Et des paysages – parfois des existences – en mutation.
Europe : œufs sur l’asphalte et thermomètres à bout de souffle
À Séville, Canal Sur a ressorti la poêle en fonte. Une tradition estivale désormais bien rodée : en quelques minutes, l’œuf frit sur le trottoir brûlant. L’Espagne vient de vivre son mois de juin le plus chaud depuis le début des relevés. Comme la Bosnie ou le Monténégro. Une quinzaine de pays européens, de la Suisse à la Grèce en passant par la Belgique, ont connu des températures jusqu’à 3°C au-dessus des normales saisonnières.
Dans la région parisienne, où l’on peine encore à concevoir des bâtiments adaptés à la chaleur extrême, les nuits sont devenues lourdes, stagnantes. À Bruxelles, des tramways ont roulé en mode “portes ouvertes” pour rafraîchir les rames.
Asie-Pacifique : quand le Mont Fuji fond
Le Japon, lui, n’avait jamais connu un mois de juin aussi chaud. Depuis 1898, c’est une première. La mer qui borde l’archipel a gagné 1,2°C par rapport à la normale. C’est la même température qu’en 2024… qui était déjà un record. Et le cône blanc du Mont Fuji, visible depuis Tokyo, n’a retrouvé son chapeau de neige que début novembre.
Même situation en Corée du Sud et du Nord : des moyennes près de 2°C au-dessus de la normale, des nuits tropicales dès la mi-juin. En Chine, plus de 100 stations météo ont enregistré de nouveaux records absolus, certains au-delà de 40°C.
Asie centrale : 50°C à l’ombre
Le Pakistan, peuplé de 250 millions d’habitants, a franchi les 50°C dans plusieurs régions désertiques. Même chose au Tadjikistan, où l’air devient difficile à respirer dès le lever du soleil. Dans toute l’Asie centrale — de l’Iran à l’Ouzbékistan — le printemps 2025 a été le plus chaud jamais observé.
Les écarts, selon les pays, vont de +2 à +4°C par rapport à la moyenne 1981–2010. Des moyennes écrasantes, qui disloquent le calendrier des cultures et accélèrent l’évaporation des nappes phréatiques.
Afrique équatoriale : chaleur continue, école fermée
Au Nigeria, sixième pays le plus peuplé du monde, juin 2025 égale le record établi l’an dernier. À Juba, capitale du Soudan du Sud, les autorités ont fermé les écoles dès le mois de mars, lors d’une première vague de chaleur — une mesure inédite dans un pays encore ravagé par les conflits.
Au Cameroun, en Centrafrique, en RDC, en Éthiopie, les données confirment une tendance : les mois de juin 2024 et 2025 sont les plus chauds jamais enregistrés dans la région. L’insécurité alimentaire, les déplacements de populations, l’effondrement progressif des écosystèmes agricoles ne sont plus des projections : ils s’installent dans le présent.
« Les températures extrêmes et les conséquences du réchauffement climatique affectent tous les aspects du développement socio-économique de l’Afrique, avertissait déjà en mai l’Organisation météorologique mondiale. Elles aggravent les famines, l’insécurité et les mouvements de population. »
À mesure que les seuils se brisent, ce ne sont pas seulement les cartes météo qui s’enflamment. Ce sont des modes de vie qui vacillent. Des repères culturels qui fondent, comme la neige du Fuji. Et peut-être, sous la chaleur, la mémoire même des saisons qui s’efface.