Récession, croissance, perspectives, taux… la BCE n’arriverait plus à se mettre d’accord
Quelle sera la politique des taux d’intérêt de la BCE d’ici la fin de l’année, et pour l’année 2025 ? Les décideurs ne semblent pas être d’accord sur les perspectives économiques et le chemin à prendre, en conséquence.
Le jeudi 12 septembre, la BCE se réunit pour décider de la prochaine étape pour les taux d’intérêt directeurs. Le marché s’attend à une nouvelle baisse, après une première en juin. L’inflation continue sa baisse (2,2% en août, après 2,6% en juillet), ce qui laisse une marge de manoeuvre à la BCE pour effectivement baisser les taux.
Mais ensuite ? Les choses semblent devenir moins prévisibles, car les décideurs ne sont pas vraiment d’accord sur le chemin que l’économie va prendre dans les mois à venir. C’est ce que rapporte Reuters, sur base de témoignages internes. Et c’est important, car cela a un impact sur la politique des taux qu’il faut mettre en place.
Deux écoles : les pessimistes…
Les décideurs ne peuvent bien sûr pas toujours être d’accord sur tout. Mais ici, le débat sur l’impact du ralentissement de l’économie sur l’inflation, et donc les taux, se divise de plus en plus en deux camps, qui sont frontalement opposés. Le premier est celui des pessimistes.
Selon eux, en résumé, l’économie est plus faible qu’on ne le pense, les risques de récession augmentent et le marché du travail s’affaiblit. Ils notent que les entreprises commencent par exemple à réduire les postes vacants. Ainsi, lorsque l’emploi diminue, le revenu disponible des ménages baisse, et avec lui la consommation. Consommation qui est la colonne vertébrale de l’économie… avec cette baisse de la demande, l’activité des entreprises diminue et elles doivent réduire la main d’oeuvre. Ce qui devient un cercle infernal.
Dans ce scénario, l’inflation chuterait plus rapidement. Ce qui veut dire, pour la Banque centrale, qu’il faudrait aussi réduire les taux plus rapidement. Ces pessimistes, ou colombes dans le jargon des banques centrales (c’est-à-dire en faveur d’un politique monétaire plus souple), estiment donc que la BCE est déjà en retard avec la baisse des taux.
…et les optimistes
De l’autre côté de l’échiquier, il y a les optimistes. Pour eux, l’économie est robuste et tient le coup. Les chiffres font mieux que les estimations et même si la croissance est lente (+0,3% lors du deuxième trimestre), elle est toujours dans le vert. Ils notent des tendances sous-jacentes positives pour la croissance, comme une consommation qui reste robuste, un été “superbe” pour le tourisme et un rebond dans le secteur de la construction.
Ils estiment que les salaires sont toujours en hausse, ce qui est une bonne nouvelle pour la demande. Mais les salaires augmenteraient encore trop rapidement pour que l’inflation puisse atteindre l’objectif des 2%, de manière durable, à la fin 2025. Le ralentissement économique, notamment celui de l’industrie qui tire l’Allemagne vers la récession, est quelque chose de plus structurel qui ne dépend pas vraiment de la politique monétaire, selon ce camp.
Ces optimistes sont aussi appelés faucons dans le jargon des banques centrales. Ils sont en faveur d’un politique monétaire plus restrictive. Ici, ils préconisent une baisse des taux lente, soit une réduction par trimestre, jusqu’à ce que l’institution soit certaine que l’inflation est sous contrôle. Réduire trop rapidement pourrait avoir comme contrecoup que l’inflation reste élevée, et n’atteigne les 2% qu’en 2026 – ce qui entacherait la crédibilité de la BCE.
Réunion et sémiologie
Qui a raison ? C’est un peu les deux côtés d’une médaille. L’économie est dans une phase de ralentissement, cela est bel et bien vrai. Le reste est de l’interprétation de signes et d’indicateurs, qui se confirmeront ou s’infirmeront avec le temps. Il faut donc poser la question comme suit : qui pèsera le plus dans la balance ?
Jusqu’à maintenant, ce sont plutôt les faucons qui l’ont emporté. Entre juillet 2022 et septembre 2023, la BCE a porté le taux de dépôt de -0,50 à 4%. La hausse la plus rapide de son histoire, à un taux jamais vu auparavant. Le taux est ensuite resté inchangé de longs mois, avant de baisser à 3,75% en juin.
Pour voir si ce sont plus les colombes ou les faucons qui vont influencer les prochaines réunions, il faudra observer la conférence de presse de la présidente de l’institution, Christine Lagarde, après la réunion de la semaine prochaine. Elle ne donnera pas d’indications claires sur la prochaine réunion et sa décision. Mais si elle dit que les risques de récession augmentent et que, en fonction des données disponibles lors de la réunion, des réductions consécutives ne seraient pas à exclure, cela montrerait que les colombes/pessimistes sont en train de gagner le débat. Si au contraire elle parle de la robustesse de l’économie et du fait d’atteindre la mission de regagner le contrôle sur l’inflation, c’est pour l’autre camp.
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