Qui est Russell Vought, l’homme qui utilise la paralysie budgétaire comme une arme?

Russell Vought © Belga

Il est peut-être ces jours-ci l’homme le plus puissant de Washington après Donald Trump. Russell Vought, idéologue de droite et artisan discret du bouleversement de l’Etat fédéral américain, utilise la paralysie budgétaire en cours pour accélérer sa thérapie de choc contre la bureaucratie.

Directeur du budget à la Maison Blanche, il suit à la lettre le “Projet 2025”, dont il a été une tête pensante et qui défend la mainmise de la Maison Blanche sur un appareil d’Etat amaigri.

Donald Trump n’a eu de cesse pendant sa campagne 2024 de marquer ses distances avec ce plan. Mais il l’épouse désormais au grand jour, demandant jeudi à Russell Vought, “rendu célèbre par le projet 2025” selon les termes du président, de lui conseiller quelles agences fédérales supprimer à l’occasion du “shutdown”.

Cette situation de blocage budgétaire, issue d’un désaccord au Congrès entre républicains et l’opposition démocrate, fait tourner l’Etat fédéral au ralenti. Et pour décider qui fait quoi avec des ressources limitées, une tour de contrôle, le Bureau du management et du budget de la Maison Blanche (OMB), et son directeur Russell Vought, 49 ans.

Celui-ci “a orchestré” cette paralysie, dénonce l’élue démocrate Rosa DeLauro. Elle dit s’inquiéter de “son projet de démanteler les fonctions étatiques essentielles, sans aucun égard vis-à-vis de la classe ouvrière, de la classe moyenne et des Américains vulnérables qui en dépendent.”

“Oligarchie” de fonctionnaires “woke”

Donald Trump a récemment rendu hommage à son chef du budget en partageant une vidéo crépusculaire générée par l’IA, le dépeignant en ange de la mort, capuche noire sur la tête et grande faux à la main.

De fait, Russell Vought ne se fait pas prier pour couper dans l’administration. Depuis le premier jour du “shutdown” mercredi, il gèle à tour de bras des milliards de subventions fédérales à des terres démocrates et envisage même de profiter du moment pour licencier des fonctionnaires. Ce chauve à la fine barbe blanche, qui cite souvent la Bible, “rêve” de cette paralysie “depuis sa puberté”, a lâché le sénateur républicain Mike Lee.

Né dans le Connecticut, Russell Vought étudie dans une petite université chrétienne avant de faire du droit, rampe de lancement privilégiée pour une carrière politique. Des années durant, il est l’assistant parlementaire d’élus républicains puis lobbyiste pour la Heritage Foundation, le cercle de réflexion conservateur à l’origine du “projet 2025”, ce qui le prépare à mettre les mains dans le cambouis de la machine étatique et à rejoindre l’OMB dès le premier mandat de Donald Trump.

“Oligarchie” administrative

Russell Vought a passé ensuite le mandat de Joe Biden à planifier, avec l’aide de son propre cercle de réflexion, le Center for Renewing America (CRA), une prise de pouvoir conservatrice. L’objectif: mettre son expérience et ses décennies de réflexion au service de l’efficacité chirurgicale. En arrivant au pouvoir, le président “doit agir de la manière la plus rapide et la plus agressive possible (…) pour démanteler cette bureaucratie”, déclarait-il en novembre 2024.

Pour Russell Vought, l’Etat américain s’est transformé en “oligarchie” administrative trop indépendante du politique, un “Etat profond” composé de fonctionnaires “woke” qui refusent selon lui de suivre les choix du président élu.

“Trauma” délibéré

A peine Donald Trump était-il installé à la Maison Blanche que Russell Vought ordonnait le gel immédiat d’un grand nombre de subventions publiques. Mais ce qui avait été décrit comme un “braquage” par l’opposition démocrate avait provoqué une telle pagaille dans la machine administrative que même la Maison Blanche avait dû dédire le chef de l’OMB.

Russell Vought revendique cette brutalité. “Oui, j’ai appelé à ce qu’il y ait du trauma au sein des bureaucraties. Les bureaucraties haïssent le peuple américain”, disait-il encore en novembre dernier.

Pour ce faire, une méthode: étendre coûte que coûte le contrôle direct de l’exécutif sur l’Etat, quitte à rogner sur les prérogatives du Congrès et aller au conflit avec les juges.

“C’est assez simple: tout le pouvoir exécutif doit être conféré à l’exécutif”, disait-il début septembre, après avoir déjà quasiment démantelé plusieurs agences gouvernementales indépendantes.

Mettre fin au financement fédéral de l’audiovisuel public, enterrer l’aide étrangère et revenir sur des dizaines et des dizaines de régulations… “C’est excitant d’être embarqué là-dedans”, a lancé récemment Russell Vought.

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