Pierre-Edouard Stérin est parfois surnommé le “saint patron de la droite française”. Un titre qu’il goûte peu. Installé en Belgique depuis 2012, ce milliardaire n’en utilise pas moins sa puissance financière pour propager ses convictions conservatrices et libérales.
Il n’y a pas qu’aux Etats-Unis qu’on trouve des milliardaires activistes prêts à beaucoup pour promouvoir leurs intérêts ou idées. En France aussi, ils se font de moins en moins discrets. On pense spontanément à Vincent Bolloré ou encore Rodolphe Saadé. Mais depuis l’été 2024, et un article de l’Humanité, un nouveau nom émerge. Celui de Pierre-Edouard Stérin.
Comme le précise l’Afp, « il est celui dont tout le monde parle, que beaucoup assurent rencontrer, mais qui fuit les projecteurs, en tout cas ceux d’une commission d’enquête parlementaire ». Une commission qui se penche – entre autres – sur les problèmes d’inscriptions des citoyens sur les listes électorales et d’éventuelles défaillances des instituts de sondage pendant les campagnes. Une commission devant laquelle il a préféré ne pas se présenter pour des raisons de sécurité. Une absence qui va relancer la machine médiatique autour de ce milliardaire d’habitude si discret.
Smartbox et Otium Capital
L’homme a bâti sa fortune en capitalisant sur l’essor des coffrets cadeaux avec Smartbox, avant de diversifier ses investissements dans des start-ups via Otium Capital (1,6 milliard d’actifs). Selon le magazine Challenges, sa fortune est estimée à 1,4 milliard d’euros. Catholique très traditionaliste, il a choisi de léguer sa fortune non pas à ses enfants, qu’il a déshérités, mais à des causes qu’il juge plus grandes : la défense de la foi, de la famille et de « l’identité française ». Sa richesse est donc mobilisée à la manière du mouvement MAGA américain pour, dixit, « sauver la France ». Il envisage aussi, dans un second temps, de se faire sanctifier. Car si certains se rêvent président, lui se verrait plutôt en saint. Il dit ainsi en 2022 au micro du podcast d’entrepreneurs Do It Yourself : « J’ai tapé sur Google, comment devenir saint. C’est un driver juste hypermotivant pour se lever le matin ».
Le projet Périclès : une machine de guerre culturelle et politique
Révélé en 2024, son plan « Périclès » (acronyme de « Patriotes, Enracinés, Résistants, Identitaires, Chrétiens, Libéraux, Européens, Souverainistes ») a pour objectif de favoriser l’union des droites et de promouvoir des valeurs conservatrices en France. Toujours selon l’Humanité, Stérin prévoit de consacrer 150 millions d’euros sur 10 ans à son projet qui mélange libertarianisme économique et conservatisme social.
Le plan inclut la formation de 300 futurs maires pour les municipales de 2026, la création d’un think tank, une « guérilla juridique » contre des phénomènes perçus comme des menaces, et une forte présence médiatique. En parallèle, il souhaite aussi développer un réseau d’internat catholique ultraconservateur pour former « l’élite ».
Influence médiatique et réseaux sociaux
« Mon modèle, c’est Soros » dit-il encore dans Le Figaro. Stérin étend donc son influence au-delà du politique. Il a tenté de racheter l’hebdomadaire « Marianne », suscitant l’opposition de la rédaction. Par ailleurs, via le Fonds du bien commun, il finance des dizaines d’influenceurs catholiques conservateurs sur des plateformes comme TikTok et Instagram, visant à diffuser ses convictions auprès d’un public plus jeune.
La semaine dernière, Le Monde révélait que celui que certains qualifient de « premier business angel français » (347 millions d’euros investis sur les 18 derniers mois selon le Figaro) s’intéresse de plus en plus à la réalité étendue (soit la réalité virtuelle, augmentée et mixte). De quoi faire craindre à certains une instrumentalisation d’ »une industrie naissante, qui peine à dénicher des financements ».
Une stratégie controversée
Le projet de Stérin, bête noire de la gauche, suscite aussi régulièrement des inquiétudes quant à l’indépendance des médias et à l’influence de l’argent sur la démocratie. Heureusement pour cette dernière, l’homme n’aurait, pour l’instant, pas encore trouvé son candidat idéal pour 2027 selon Le Point.
Il se tient ainsi à distance de Marine Le Pen (un manque d’alchimie) et de Jordan Bardella. Et s’il a montré un vague et fugace intérêt pour Eric Zemmour, il lui préférerait aujourd’hui Bruno Retailleau ou Laurent Wauquiez, ténors de l’aile dure des Républicains.
Enfin, cet admirateur d’Elon Musk ne voit pas non plus d’ironie dans le fait qu’il fasse sa croisade pour la France depuis la Belgique. Exilé fiscal depuis 2012 et la taxe sur les riches imposée par François Hollande, il a promis de consacrer l’argent économisé aux causes qu’il juge nobles précise encore Politico. “J’ai quitté la France à regret, pour mieux servir mon pays”, dit-il encore dans Le Point.