Qui a permis à une économiste américaine pro Gafa d’entrer à la Commission européenne ?
Comment Fiona Scott Morton, une ancienne économiste américaine pro Gafa, se retrouve chief economist de la DG Concurrence à la Commission européenne ? Et surtout, quel État européen lui a permis d’accéder à ce poste ?
Le scandale continue de faire des vagues et de susciter des rejets de responsables politiques européens, mais aussi de susciter des interrogations sur le processus de recrutement mis en œuvre par la Commission.
Rappelons les faits: mardi, la Commission a fait savoir que Fiona Scott Morton, une économiste américaine qui enseigne à Yale, sera, à la rentrée, la nouvelle cheffe économiste de la direction générale de la Concurrence, une des principales administrations européennes.
Pro Gafa
Première surprise : le profil de Fiona Morton est particulier. Elle a travaillé pour l’administration Obama, mais surtout, elle a conseillé de nombreux grands groupes (Apple, Microsoft, Amazon, Sanofi, Pfizer), en les défendant contre les attaques des autorités de la concurrence. Un exemple qui pourrait sentir un joli conflit d’intérêts à venir : elle a récemment conseillé Microsoft sur son projet de fusion avec Activision Blizzard, alors qu’en novembre dernier, la Commission européenne a annoncé une enquête approfondie sur la fusion Microsoft-Activision. Fiona Scott Morton a observé dans un mémoire pour Microsoft, publié en décembre, que « la fusion ne porte pas atteinte à la concurrence et qu’elle est au contraire susceptible de promouvoir la concurrence dans une variété de marchés”.
Bruxelles rejette la demande de Paris de “reconsidérer” la nomination de Fiona Scott Morton
La Commission européenne “ne voit pas de raison de reconsidérer” le recrutement controversé de l’Américaine Fiona Scott Morton, ex-lobbyiste et ancienne cadre de l’administration Obama, à un poste clé pour la régulation des géants de la tech, a annoncé vendredi une porte-parole.
Le gouvernement français a demandé jeudi à l’exécutif européen de revenir sur ce choix, une requête reprise vendredi par les chefs des quatre plus grands groupes politiques au Parlement européen qui dénoncent les risques de conflit d’intérêt et d’ingérence de Washington. “La décision a été prise. Nous ne voyons pas de raison de la reconsidérer”, a déclaré la porte-parole de la Commission, Dana Spinant, lors du point de presse quotidien.
C’est d’ailleurs une position générale. Elle a par exemple publié un article d’opinion dans le journal de l’université de Yale, repris dans le Washington Post, expliquant « Why ‘Breaking Up’ Big Tech Probably Won’t Work » (pourquoi la scission des géants technologiques ne marchera probablement pas). Une position qui, entre parenthèses, va à l’encontre des autorités de la concurrence de nombreux pays européens, mais aussi des États-Unis ! Lina Kahn, qui préside la FTC (Federal Trade Commission) vient d’interjeter appel cette semaine contre la décision de la justice américaine d’autoriser la fusion Microsoft-Activision.
Patronage secret
Mais le plus dérangeant dans cette nomination est qu’elle n’aurait jamais dû avoir lieu, comme le soulignent dans une lettre à la Commission plusieurs organisations de la société civile (voir ici : https://www.balancedeconomy.net/wp-content/uploads/2023/05/EC-FSM-230502.pdf). En fait, pour travailler à un tel poste de la Commission, il faut normalement avoir la nationalité d’un État membre de l’Union. D’ailleurs, l’annonce précédente, qui avait permis de nommer le Belge Pierre Régibeau, mentionnait bien cette condition : pour pouvoir postuler, « candidates must be citizen of one of the EU member states of the European Union. »
Mais l’annonce de recrutement de 2023 ne faisait plus mention de cette condition. Il reste toutefois un point qui va certainement donner lieu à de nouvelles révélations : un État membre de l’Union a dû patronner la candidature de Fiona Scott Morton. Car l’annonce de recrutement précise : « tant que l’habilitation de sécurité personnelle n’a pas été accordée par l’État membre concerné … le candidat ne sera pas en mesure accéder à des informations classifiées de l’UE (ICUE) (…), ni assister à des réunions au cours desquelles ces ICUE sont discutées. » Alors, quelle capitale a donné sa bénédiction et habilité Fiona Scott Morton à accéder aux informations confidentielles de l’Union ?
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