Quelle réponse possible de l’Union Européenne aux droits de douane des États-Unis ?

L’administration américaine a annoncé l’instauration de nouveaux droits de douane sur les importations en provenance de l’Union européenne (UE). Ces droits de douane s’ajoutent à ceux déjà en place sur l’acier, l’aluminium et les automobiles, et risquent d’avoir un impact significatif sur l’économie européenne.
D’après Éric Dor, directeur des études économiques à l’IESEG School of management, Paris et Lille, la réduction des exportations européennes vers les États-Unis aura des conséquences économiques majeures. En 2024, l’UE a exporté pour 531,98 milliards d’euros de biens vers les États-Unis, générant un excédent commercial de 197,56 milliards d’euros.
Parmi les pays les plus touchés figurent les gros exportateurs européens. Les exportations de biens vers les Etats Unis ont ainsi été de 161,245 milliards d’euros pour l’Allemagne, 72,19 milliards d’euros pour l’Irlande, 64,759 milliards d’euros pour l’Italie, 47,079 milliards d’euros pour la France, 43,482 milliards d’euros pour les Pays Bas, 32,926 milliards d’euros pour la Belgique, 18,179 milliards d’euros pour l’Espagne, 16,217 milliards d’euros pour l’Autriche. La baisse des ventes à destination des États-Unis affectera la production et l’emploi, tout en réduisant les échanges intra-européens, amplifiant ainsi l’effet récessif.
Ne pas réagir aux mesures américaines reviendrait, selon Éric Dor, à accepter une stratégie d’intimidation économique. Une absence de réaction de l’UE encouragerait Washington à durcir davantage sa politique protectionniste.
Les mesures de rétorsion envisageables
Pour limiter l’impact négatif des droits de douane américains, il existerait plusieurs leviers d’action :
1. Des droits de douane ciblés L’UE pourrait appliquer des droits de douane supplémentaires sur des produits américains facilement substituables, tels que les vêtements, les chaussures, les équipements industriels, le soja, les whiskeys ou encore les métaux. Elle pourrait aussi cibler des biens provenant de régions américaines où les soutiens de l’administration actuelle sont nombreux, afin de maximiser l’impact politique de ces mesures.
2. Un renforcement des règlementations L’UE peut durcir ses normes pour restreindre l’accès de certains produits américains à son marché, par exemple en interdisant les biens agricoles traités avec certains pesticides ou en restreignant les OGM. Elle pourrait également empêcher les constructeurs américains de véhicules électriques de vendre des crédits carbone en Europe, les privant ainsi d’une source de revenus importante.
3. Une taxation des exportations stratégiques Certains secteurs industriels américains sont très dépendants de produits européens, comme les préparations pharmaceutiques et certains équipements industriels. L’UE pourrait taxer ces exportations afin d’augmenter les coûts pour les industries américaines et d’exercer une pression économique en retour.
4. Des mesures sur les services Le secteur des services est un autre point de pression. Les États-Unis dégagent un excédent commercial important dans ce domaine, avec un déficit européen de 137,35 milliards d’euros en 2024. L’UE pourrait taxer les services importés ou renforcer les règlementations contre les entreprises numériques américaines (Google, Amazon, Microsoft…).
L’UE peut aussi utiliser l’instrument de lutte contre la coercition économique pour restreindre l’activité des banques américaines, bloquer les revenus des sociétés de streaming aux États-Unis, ou encore interdire l’accès à certains contrats publics européens pour les entreprises américaines.
Selon Éric Dor, une réaction stratégique, alliant droits de douane ciblés, règlementations renforcées et taxation des services, est essentielle pour contrer les effets négatifs de la politique protectionniste des États-Unis. Une réponse forte pourrait affaiblir l’économie américaine et contraindre Washington à revoir sa stratégie.
L’enjeu est donc de taille pour l’Union européenne, qui doit démontrer sa capacité à protéger ses intérêts économiques tout en préservant sa souveraineté commerciale.
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