Quelle est la méthode Meloni pour redresser le budget de l’Italie?
Réduire le déficit budgétaire tout en baissant les impôts : telle est l’approche atypique adoptée par le gouvernement de Giorgia Meloni en Italie. En s’appuyant sur les milliards provenant du fonds de relance européen, en maintenant une taxe bancaire controversée et en réduisant les dépenses publiques, l’Italie parvient à contenir sa (colossale) dette publique.
L’une des rares dirigeantes européennes à être attendue à l’investiture de Donald Trump en tant que 47e président des États-Unis, est Giorgia Meloni, Première ministre italienne. Ses relations étroites avec Trump et son allié économique Elon Musk sont bien connues.
Pourtant, lorsque Meloni a accédé au poste de Première ministre en 2022, il semblait statistiquement improbable qu’elle reste en fonction plus de deux ans. En effet, depuis la Seconde Guerre mondiale, les gouvernements italiens ont une durée de vie moyenne d’environ un an. Mais, soutenue par la coalition de son parti Fratelli d’Italia avec les formations de droite Lega et Forza Italia, Meloni a conservé une position confortable au pouvoir.
Un plan atypique
Cette stabilité s’explique en partie par son adoption, à la fin de l’année dernière, d’un plan socio-économique et budgétaire remarquablement audacieux et surtout atypique. L’objectif est de réduire le déficit budgétaire à 3,3 % du produit intérieur brut (PIB), contre 3,8 % l’an dernier et 7,2 % en 2023.
Parallèlement, le gouvernement a annoncé une série de baisses d’impôts. Les revenus annuels (jusqu’à 28 000 euros) verront leur taux d’imposition passer de 25 % à 23 %. Afin de stimuler la natalité, les familles à faibles revenus recevront une prime de 1 000 euros pour chaque naissance. Une subvention de 100 à 200 euros est également prévue pour l’achat d’appareils ménagers peu énergivore.
Les entreprises, quant à elles, bénéficient d’un allègement fiscal notable. Celles qui réinvestissent 80 % de leurs bénéfices et embauchent du personnel supplémentaire verront leur impôt réduit de 24 % à 20 %.
Voilà le programme de Giorgia Meloni, une tentative audacieuse de concilier discipline budgétaire, incitations fiscales et soutien à la croissance. Et cela tout en naviguant dans un environnement économique marqué par une dette nationale massive et une dynamique européenne complexe.
Économies et taxe bancaire : la stratégie budgétaire italienne
Assainir le budget tout en réduisant la pression fiscale sur les ménages : la question se pose de savoir comment un gouvernement peut concilier ces deux objectifs. Or c’est précisément ce que réalise le gouvernement de Giorgia Meloni. Cette réussite repose en grande partie sur des mesures d’accompagnement budgétaires.
La taxe bancaire instaurée par le pays devrait rapporter, par exemple, 3,4 milliards d’euros. Par ailleurs, des économies massives, à hauteur de 11 milliards d’euros sur trois ans, sont programmées dans les ministères et administrations locales. Les budgets de l’éducation et de la recherche progressent à un rythme réduit. Les pensions, quant à elles, ne seront augmentées que de 1,9 euro par mois au maximum. Cela revient de facto à les geler.
La Première ministre Meloni bénéficie également de l’héritage de son prédécesseur Mario Draghi. Les réformes de ce dernier ont favorisé une reprise économique après la crise sanitaire du covid. De surcroît, l’Italie tire profit des milliards d’euros injectés par le plan de relance de l’Union européenne. Conséquence : l’écart entre les obligations italiennes et allemandes à dix ans (spread) a chuté à environ 115 points de base, contre 258 points au moment de la victoire électorale de Meloni en septembre 2022.
Sous surveillance de la Commission européenne
Pour autant, tout n’est pas parfait. L’Italie reste sous étroite surveillance de la Commission européenne en raison de la fragilité de ses finances publiques. La dette publique devrait atteindre cette année 134,6 % du PIB, dépassant les 3 000 milliards d’euros. Cependant, ni les marchés financiers, ni Rome, ni Bruxelles ne montrent de signes de panique.
Deux facteurs expliquent cette relative sérénité:
- Un excédent primaire constant : Depuis 1995, l’Italie affiche un excédent budgétaire primaire moyen de 1,3 % du PIB par an (recettes moins dépenses, hors charges d’intérêts). Cet excédent contribue à maîtriser les coûts liés au vieillissement de la population. Parmi les pays du G7, l’Italie est le seul à enregistrer un excédent primaire. Et ce, même après les politiques expansives menées durant la pandémie de Covid-19 (2020-2021) et la crise énergétique (2022). À titre de comparaison, la Belgique affiche encore un déficit primaire de 2,4 % du PIB.
- Une dette largement détenue par des Italiens : Une grande partie de la dette publique italienne est détenue par les ménages du pays. Ceux-ci disposent d’un patrimoine net équivalant à 216 % du PIB. Grâce à cet excédent d’épargne, ainsi qu’à ses excédents commerciaux, son tourisme dynamique et ses investissements à l’étranger, l’Italie est un créancier net sur le plan international, à hauteur de 225 milliards d’euros (10 % du PIB).
En somme, malgré une dette vertigineuse, la combinaison de mesures budgétaires, d’une structure de financement favorable et du soutien européen permet à l’Italie de préserver la confiance des marchés et de maintenir une certaine stabilité économique.
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