Quel avenir pour le Nigeria?
Un nouveau scrutin présidentiel se profile dans le pays le plus peuplé d’Afrique. Mais entre 2015 et 2020, la classe moyenne nigériane s’est appauvrie. Et en 2023, l’économie locale va continuer à souffrir.
Le destin de l’Afrique subsaharienne est lié à celui du Nigeria. Un Africain subsaharien sur six est nigérian, et l’économie du Nigeria est la plus importante du continent. Un Nigeria prospère contribue à tirer ses voisins vers le haut ; chancelant, il les entraîne vers le bas. Il est particulièrement dommageable qu’entre 2015 et 2020, l’économie du pays ait progressé aussi lentement et entraîné l’appauvrissement du Nigérian moyen. La plongée des prix des produits de base en 2015 est l’une des causes du problème.
Toutefois, de nombreux dommages relèvent de certaines politiques propres au pays. Ainsi, en 2019, le gouvernement a fermé les frontières terrestres à toutes les marchandises, prétendument pour empêcher les contrebandiers de concurrencer les producteurs locaux. Cela s’est traduit par une augmentation de l’inflation. Les efforts visant à soutenir le taux de change en limitant l’accès aux dollars ont rendu difficile l’importation d’intrants de base par les entreprises. La banque centrale a été contrainte de dévaluer le naira à plusieurs reprises. La pandémie a frappé par la suite.
2.500 films par an
Il y a toutefois quelques lueurs d’espoir. En 2021 et 2022, la croissance a légèrement augmenté grâce au rebond post-pandémie et à la hausse des prix du pétrole. Lagos, la capitale économique, regorge de start-up. Au cours des six premiers mois de 2022, celles-ci ont levé plus de deux fois plus de fonds qu’au cours de la même période en 2021. Nollywood, l’Hollywood local, produit environ 2.500 films par an et représente la deuxième plus grande industrie cinématographique du monde en termes de production. Les musiciens nigérians, de Burna Boy à Wizkid, remplissent les stades du monde entier.
Le remboursement de la dette est une source d’inquiétude car le gouvernement perçoit très peu d’impôts. Même une hausse prolongée des prix du pétrole ne suffirait pas.
Pourtant, les stars de l’économie sont trop peu nombreuses et trop centrées sur Lagos pour entraîner avec elles les 220 millions de Nigérians. Le déclenchement d’un plus grand boom nécessiterait une réforme économique de fond. Les élections présidentielles de février augurent la fin de la présidence ratée de Muhammadu Buhari. Pourtant, à moins d’une victoire surprise de Peter Obi, un candidat qui fait figure d’outsider, le vainqueur sera issu de la même élite kleptocratique. Les deux grands partis poursuivent tous deux des “politiques étatistes, protectionnistes et souvent autodestructrices”, avertit Matthew Page, du think tank britannique Chatham House.
Insécurité
L’insécurité généralisée entrave également la croissance. Au cours des six premiers mois de 2022, 6.000 Nigérians ont été tués dans des conflits. Dans le nord-est, un groupe armé djihadiste, la Province d’Afrique de l’Ouest de l’Etat islamique, a étendu son contrôle vers la capitale Abuja. Et les milices du nord-ouest ciblent régulièrement les civils pour les extorquer et les kidnapper.
D’autres questions économiques plus prosaïques sont également de mauvais augure. L’inflation a atteint près de 21% en septembre, un pic au cours des 17 dernières années. Pour la réduire, il faudra augmenter les taux d’intérêt. Le remboursement de la dette est une source d’inquiétude car le gouvernement perçoit très peu d’impôts. Même une hausse prolongée des prix du pétrole ne suffirait pas: des tarifs élevés nuiraient aux finances publiques, même s’ils devaient stimuler la croissance.
Car le Nigeria, plus grand producteur d’Afrique, subventionne le carburant et le coût de cette opération est supérieur aux recettes supplémentaires provenant de la hausse des prix du pétrole, de sorte que l’effet net est “nul” ou “négatif”, selon Zainab Ahmed, ministre des Finances. Le vol généralisé ne fait qu’aggraver la situation.
Tout cela pourrait inciter le gouvernement à supprimer les subventions, libérant ainsi de l’argent pour des domaines qui ont plus de chances de stimuler la croissance, comme les infrastructures et l’éducation. Sur le long terme, le déclin de l’importance du pétrole pourrait inciter le Nigeria à délaisser son modèle actuel, dans lequel les élites se disputent la rente pétrolière tout en ignorant les citoyens. Sans cet argent facile, il conviendra de développer le reste de l’économie. Mais dans le meilleur des cas, l’année 2023 sera marquée par des gestes hésitants dans cette direction. Un scénario plus probable augure une année de croissance molle, ponctuée de violences dévastatrices.
Kinley Salmon, correspondant à Abuja de “The Economist”
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