Qu’aurait coûté à l’Europe l’abandon de l’Ukraine?
Abdiquer face à Poutine aurait démonétisé l’Europe aux yeux du monde…
Tout le monde a encore en tête les images de la récente visite du président ukrainien en Europe. Mais au-delà des images, ce qui m’a le plus frappé, c’est une phrase prononcée par Volodymyr Zelensky: “nous nous défendons et nous vous défendons”. Elle m’a interpelé parce qu’elle arrive au bon moment, comme une piqûre de rappel. La raison? Pas mal de voix se posent de plus en plus ouvertement la question de savoir si cette guerre n’a pas un coût politique et économique trop élevé? Autrement dit, ne serait-il pas temps d’inciter les Ukrainiens à faire des concessions pour que cesse cette guerre au plus vite?
Nous sommes en démocratie et se poser cette question est légitime. Anne Applebaum, journaliste vedette du New York Times s’est aussi posé la question par le biais d’un article très commenté. Mais à l’envers: elle s’est demandé ce qui se serait passé si la Russie l’avait emporté? Bref, si en Europe et à la Maison-Blanche, nous avions eu des dirigeants politiques qui auraient abdiqué face à Poutine. Après tout, le scénario était plausible. Ma consœur rappelle que certains experts militaires américains déconseillaient d’aider l’Ukraine, étant donné qu’elle ne pourrait pas résister au rouleau compresseur de l’armée russe.
Et donc, que se serait-il passé si nos dirigeants avaient écouté ces “experts”? Outre le fait que Zelensky aurait été assassiné avec sa famille par un des commandos de tueurs qui parcouraient la capitale, Anne Applebaum nous raconte dans le New York Times que Kiev aurait été conquise en quelques jours, que les soldats russes seraient aux frontières de la Pologne, que l’Otan serait plongée dans le chaos et que nous serions obligés d’investir des milliards d’euros pour éviter l’invasion de Varsovie, Vilnius ou Berlin.
D’autres experts comme Thibault Muzergues confirment cette thèse. En effet, selon lui, une Russie aux frontières de l’Europe pousserait à une augmentation des budgets de la défense au niveau de la guerre froide, soit sans doute 144 milliards d’euros! Autant le dire, c’est nettement plus que ce que nous dépensons aujourd’hui pour l’Ukraine, mais en n’oubliant pas de rappeler que ce sont les Etats-Unis qui assument la plus grosse partie de la défense ukrainienne.
Grâce à Poutine, nous allons avoir un meilleur mix énergétique et nous ne serons plus dépendants d’un seul acteur.
Quant au coût économique, souvent mis en avant par les hommes d’affaires, il est faible par rapport à une situation où l’Europe aurait montré sa faiblesse, et non sa puissance comme elle le fait en ce moment. Demandez aux Grecs si la Russie est la seule menace pour l’Europe. Et demandez aux Taiwanais ou aux Japonais ce qu’ils pensent de leur voisin chinois. Abdiquer face à Poutine aurait démonétisé l’Europe aux yeux du monde. Et puis, “l’avantage de cette guerre par procuration”, c’est que nous avons compris qu’il était dangereux d’être dépendant en matière énergétique ou alimentaire à l’égard de n’importe quel pays, a fortiori d’un pays belliqueux.
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Grâce à Poutine, nous allons avoir un meilleur mix énergétique et nous ne serons plus dépendants d’un seul acteur. Ensuite, comme le dit si bien l’écrivain Jonathan Littell, “quand un ennemi veut votre peau, l’apaiser ne fonctionne pas. Si on laisse les Russes gagner en Ukraine, ils s’en prendront aux pays baltes. C’est mathématique car le pouvoir de Poutine dépend de cela. L’annexion de la Crimée en 2014 lui a servi à réaffirmer son pouvoir. Et toute tentative d’apaisement sera forcément perçue comme une faiblesse”. Au fond, cet écrivain ne fait que confirmer ce que disait l’immense Winston Churchill: “quelqu’un qui pratique la politique de l’apaisement, c’est quelqu’un qui nourrit un crocodile en espérant être dévoré le dernier”.
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