Le président ukrainien reste très populaire, y compris au Etats-Unis, à un moment critique pour son pays. Mais son propre camp est divisé sur la façon erratique dont il a géré la loi anticorruption. Et sa majorité parlementaire est fragile. Il vient encore de nommer un responsable anticorruption indépendant. Pour rassurer…
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky reste populaire. Y compris aux Etats-Unis: selon un récent sondage Gallup: son image serait même “deux fois plus favorable” que celle de son homologue américain, Donald Trump.
Son pays vit toutefois un moment critique, avec des attaques aériennes massives venant de Russie et un front grignoté par les troupes de Vladimir Poutine avec des activités “considérablement intensifiées” en direction de Kherson. Quant aux perspectives de paix, elles semblent fragiles.
L’espoir de Zelensky réside dans le retournement d’évaluation de la situation par Donald Trump. Lors d’un récent dialogue entre les deux capitales, il a été question d’armements et de sanctions supplémentaires. La question est de savoir jusqu’où le locataire de la Maison Blanche sera prêt à aller…
Mais le président ukrainien vit aussi des moments difficiles en interne. Son camp se divise, au plus mauvais moment, et sa majorité parlementaire s’en trouve même fragilisée. La faute à son faux pas au sujet de la lutte contre la corruption.
La confiance de son camp ébranlée
Le faux pas remonte au 23 juillet dernier. Prétextant une affluence russe croissante, Zelensky fait voter une loi mettant à mal l’indépendance de deux agences luttant contre la corruption. Raison principale ou coïncidence malencontreuse, plusieurs de ses proches font alors l’objet d’enquêtes pour enrichissement.
La jeunesse descend dans la rue. L’Union européenne demande “des explications”. Les efforts visant à rendre le pays plus éthique, en route vers l’adhésion européenne, sont ternis.
Le président fait volte-face. Une loi est votée d’urgence le 31 juillet pour rétablir l’indépendance des agences. Le samedi 2 août, un coup de filet spectaculaire a même lieu pour arrêter des fonctionnaires en lien avec des pots-de-vin perçus lors de marchés militaires.
“Il ne peut y avoir aucune tolérance envers la corruption”, insiste Zelensky Rideau? Pas vraiment.
Si certains de ses partisans voient dans l’épisode un signal de “vitalité démocratique”, d’autres estiment que leur confiance a été bafouée. Le vote de la première loi a-t-elle été instrumentalisée? Leur a-t-on caché les vraies raisons de ce texte?
“Nous avons été jetés sous un bus“, affirment certains en rappelant que Zelensky fait surtout confiance à un cercle limité de proches conseillers, non élus. A-t-il été mal orienté, cette fois?
Ceci n’est pas anecdotique: un jeune député du parti présidentiel, Mykyta Poturaiev, a déjà jeté l’éponge et la majorité du président au parlement ne tient qu’à cinq sièges.
Un nouveau geste
Ce n’est pas par hasard si Zelensky multiplie les gestes pour tenter de rétablir la confiance, tant vis-à-vis de son camp que de l’Union européenne.
Après des semaines de tergiversations, l’Ukraine a nommé un responsable anticorruption réputé indépendant comme directeur du bureau d’enquête de crimes économiques, remplissant ainsi une des conditions pour la poursuite de l’aide financière cruciale de l’Occident.
La première ministre, Ioulia Svyrydenko, a annoncé mercredi sur les réseaux sociaux la nomination d’Oleksandre Tsyvynsky à la tête du Bureau de sécurité économique (BEB), un mois après un refus du gouvernement qui a provoqué de vives critiques.
En Ukraine, le mot d’ordre consiste à dire que l’on ne change pas de chef en cours de guerre. Ce serait donner raison à Poutine de le lâcher en ce moment, mais il faut bien reconnaître que la séquence tombe bien mal…