Pourquoi les marchés digèrent mal la crise française

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Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

En France, la démission du gouvernement de Sébastien Lecornu 14 heures après sa constitution est certes un moment politique exceptionnel dans l’Hexagone.

Mais c’est aussi un choc qui ébranle les marchés financiers. Leur nervosité s’explique par la peur d’une paralysie budgétaire : le gouvernement intérimaire ne peut plus avancer sur le projet de loi de finances 2026, risquant un recours à une loi spéciale et un dérapage du déficit public qui devrait atteindre les 5,4% du PIB cette année.

Sur les marchés obligataires, le taux français est en hausse, en atteignant 3,61% lundi, au moment de l’annonce de la démission du gouvernement Lecornu. Cela porte l’écart avec le rendement des obligations à 10 ans allemandes à 91 points de base, puisque le taux à dix ans allemand était à 2,70%. Il est assez normal que la prime de risque sur la dette française augmente, puisque la France semble incapable de constituer un gouvernement susceptible de présenter un plan budgétaire. Les investisseurs perçoivent un risque accru de dégradation de la note financière de la France (déjà abaissée à “A+” par Fitch en septembre), avec une dette publique dépassant 3 400 milliards d’euros (115 % du PIB).

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Effet domino

  • Premier effet domino : puisque la dette française, la deuxième en importance derrière la dette allemande en Europe, est moins attrayante, l’euro se replie aussi. Il fallait 1,174 dollar pour avoir un euro vendredi. Il n’en faut plus que 1,166 désormais.
  • Deuxième effet domino : les institutions financières, qui détiennent de la dette française, sont les premières victimes de cette impuissance politique. Depuis lundi, l’action de la Société Générale a perdu 9%. BNP, groupe que l’on suit particulièrement en Belgique puisque l’Etat est encore actionnaire, a cédé 5%.
  • Troisième effet domino : les aléas budgétaires laissent aussi peser des menaces sur les contrats publics, notamment en matière de défense. L’action de Dassault Aviation, le producteur du Rafale, a ainsi perdu près de 4% depuis lundi alors que le titre avait connu une baisse lors de la démission du précédent gouvernement, celui de François Bayrou et alors que la co-entreprise sur le chasseur du futur, le projet SCAF réalisé avec l’Allemagne et l’Espagne, semble avoir du plomb dans l’aile.

Les patrons plaident l’apaisement

Les actions Orange et Engie, des entreprises dont l’Etat français est actionnaire, ont également perdu des plumes, en raison des incertitudes sur les subventions publiques et des questions concernant le futur des contrats que le groupe de Telecom Orange, par exemple, a avec l’Etat français. À plus long terme, l’instabilité menace la reprise économique, avec des alertes qui commencent à clignoter sur des secteurs comme la construction, elle aussi dépendante des incitants fiscaux.

Signe de la gravité de l’instant et de la crainte de la polarisation politique du pays, le Medef, le lobby patronal français, a annulé son grand rassemblement prévu le 13 octobre afin de « participer à l’apaisement du pays ».  « Nous sommes entrés dans une nouvelle phase qui risque de nous conduire à une crise institutionnelle, dit le Medef. Dans ce contexte, nous appelons l’ensemble des responsables politiques à prendre la mesure d’une situation qui peut amener notre pays au chaos et aggraver plus encore notre situation économique ».

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