Pourquoi la Vivaldi bloque sur la reconnaissance de l’Etat palestinien
Les partis de la majorité fédérale se divisent et bloquent au parlement, alors que le Premier ministre, Alexander De Croo, part en visite au Proche-Orient. Le MR ne veut pas coincer sa ministre des Affaires étrangères et défend une ligne “réaliste”.
Le cri du coeur vient d’une personnalité bien en vue de la Vivaldi fédérale: “Jamais je n’avais ressenti l’expression d’une telle haine!”. La guerre menée par Israël contre le Hamas, après l’attaque terroriste sans précédent du 7 octobre dernier, suscite des réactions véhémentes au sein de la société. Même le vocabulaire utilisé pour désigner les faits provoque des tensions.
Cela se répercute au sein de la majorité fédérale, avec un axe PS – Ecolo très en pointe sur le soutien au peuple palestinien, même s’il existe des nuances entre les deux partis et jusqu’au sein même de ces formations. Tandis que les libéraux francophones se veulent les défenseurs d’une forme de rationalité, davantage en soutien à Israël, mais sont dénoncés pour leur radicalisme. Bref, on ne s’entend pas.
Deux illustrations de la tension
Outre les déclarations tranchées des uns et des autres, deux faits illustrent ces tensions et le blocage au sein de la majorité.
Ce jeudi 23 novembre, le MR a obtenu le feu vert pour diffuser au parlement la vidéo des attaques du 7 octobre, un document jugé très dur par ceux qui l’ont déjà vu, alors qu’un consensus n’a pu être obtenu entre les groupes à cette fin. Certains, dans les rangs rouges et verts, estimaient que cela s’apparente à… de la propagande venant d’Israël. “Alors que l’on diffuse sans problème les images venant de Gaza, sans que l’on ne se soucie de savoir si c’est de la propagande”, grince une source libérale. Message: il faut visionner toutes les pièces pour se forger une opinion.
Par ailleurs, une résolution socialiste réclamant un accès permanent à l’aide humanitaire pour Gaza et, surtout, une reconnaissance immédiate de l’Etat palestinien, n’a pu être votée en commission du parlement, ce mercredi 22 novembre. Les libéraux du MR et de l’Open VLD, ainsi que Vorruit, ne se sont pas présentés. Le texte suivra son cours, “mais ce n’était certainement pas le moment de le voter”, nous dit-on.
L’accord conclu sur une trève humanitaire et la libération de cinquantes otages a contribué, aussi, au report du vote.
Quatre sources de blocage
Au moins quatre raisons expliquent ce blocage et ces tensions.
Un, le Premier ministre, Alexander De Croo (Open VLD), entame une visite au Proche-Orient au cours de laquelle il rencontrera le Premier ministre israélien Netanyahou, le leader palestinien Abbas et le président égyptien. Pas besoin de lui glisser une peau de banane sous les chaussures.
Deux, le MR défend une ligne “réaliste” et, surtout, ne veut pas mettre à mal sa ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, qui a déjà tout le mal du monde à tenir une position équilibrée sur ce dossier, tant les expressions sont différentes entre les partenaires de la coalition. Sans se renier, elle parvient à préserver une belge cohérente, respectueuse de tous, ce qui n’est pas une sinécure.
Trois, sur le fond, le conflit israélo-palestinien est devenu un brûlot ultra-sensible et… la perspective des élections cruciales de juin prochain exacerbent les sensibilités, avec des relents communataristes évidents. Socialistes et écologistes veulent préserver leur électorat musulman, mais que l’on ne s’y trompe pas, les libéraux ont eux aussi un terrain sur lequel ils comptent prospérer, et pas seulement dans la communauté juive. Come dit précédemment, et pour ne pas choquer ceux qui tentent une position médiane, il y a heureusement des nuances… parfois.
Quatre, plus fondamentalement encore, cette crise révèle une fracture de plus en plus profonde. Les opposants à la mondialisation libérale et à la domination occidentale voient dans la guerre menée à Gaza un paroxysme d’un colonialisme dépassé, une charge contre l’humanisme et une négation du droit international. Tandis que les défenseurs de l’occident estiment que notre modèle de société est attaqué dans ses valeurs les plus importantes, liberté et sécurité notamment.
Entre les deux camps, cela cogne, et il y a peu de place pour la nuance.
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