Pourquoi la Belgique et l’Europe s’appauvrissent par rapport aux États-Unis ?
L’Europe a pris du retard en termes de prospérité par rapport aux États-Unis. Et la Belgique encore plus. Les Belges sont plus pauvres que les habitants de l’Oklahoma et de 37 autres États américains. Et cet écart ne cesse de croître. Quelles sont les raisons de cette spirale d’appauvrissement en Europe ?
Depuis le début du XXIe siècle, l’économie américaine a connu une croissance de près de 63 %, tandis que celle de l’Europe n’a augmenté que de 33 %. La prospérité européenne a donc considérablement décliné par rapport aux États-Unis. Les États-Unis, avec une économie de 27 000 milliards de dollars contre 18 000 milliards de dollars pour l’Europe, continuent de croître à un rythme plus rapide. Ainsi entre avril et juin 2024, l’économie américaine a crû de 3,1 %, contre seulement 0,6 % dans la zone euro.
Cette divergence économique a des conséquences notables sur le niveau de vie des habitants dit De Morgen. Selon The Wall Street Journal les Européens deviennent de plus en plus pauvres. Et les Belges ne sont vraiment pas les mieux lotis. Ainsi à en croire l’analyse comparative du think tank European Centre for International Political Economy (ECIPE), les Belges sont maintenant plus pauvres que les habitants de l’Oklahoma et de 37 autres États américains. Et ils sont à peine plus riches que les habitants du Maine et de la Floride.
D’où vient cette différence ?
La première piste est le prix de l’énergie. Les Etats-Unis bénéficient d’un prix de l’énergie trois fois inférieur à l’Europe et disposent de réserves d’énergie fossile considérables. Une différence qui s’est particulièrement fait ressentir au moment de la crise énergétique puisqu’en Europe au plus fort de la crise, on a payé près de dix fois plus pour le gaz que les Américains.
Il y aussi les stigmates de la pandémie. Alors que du côté européen on a injecté que 700 milliards d’euros, aux États-Unis c’est 3000 milliards qui ont injecté via l’Inflation Reduction Act et le Chips Act, injectant environ 3 000 milliards de dollars. A cela s’ajoutent encore les 3 000 milliards de dollars de réductions d’impôts déjà mises en œuvre par Trump pour la classe moyenne inférieure. Soit autant de mesures qui ont soutenu la consommation intérieure et stimulé la croissance économique. Et c’est tout de suite une des différences notables dans l’approche. Si en Europe on s’est concentrée sur le soutien aux entreprises et aux employeurs pour survivre à la pandémie, les États-Unis ont renforcé et même augmenté le pouvoir d’achat des consommateurs. Un choix stratégique, car la consommation intérieure représente une part importante de l’économie américaine, contrairement à l’Europe, qui dépend davantage des exportations.
Le prix de l’Energie et la pandémie ont entraîné dans leur sillage une récession en 2023 et une croissance stagnante en 2024 en Europe. Mais la disparité dans l’augmentation de la croissance date d’avant la pandémie, il y a donc d’autres facteurs en ligne de compte. Il y aussi la démographie (la population active (15-64 ans) a progressé de 21 % aux Etats-Unis de 1998 à 2022, contre 17 % dans la zone euro), mais aussi le taux d’activité et les innovations technologiques et dépenses en R&D.
Productivité et heures travaillées
On peut parler d’un décrochage net. De 2010 à 2023, le taux de croissance cumulé du PIB a atteint 34 % aux États-Unis, face à seulement 21 % dans l’Union européenne et 18 % dans la zone euro. Les données de la Banque mondiale (BM) semblent confirmer ce décrochage économique des pays de la zone euro. En 2010, le PIB par habitant mesuré en dollars courants était supérieur de 30 % aux Etats-Unis, comparé à la zone euro. En 2022, cet écart a plus que doublé avec 87 % de plus aux Etats-Unis que dans la zone euro.
Sur cette même période, la productivité du travail a progressé de 22 % aux États-Unis et de 5 % dans la zone euro. Un écart entre les gains de productivité qui est toujours d’actualité.
En simplifiant, la croissance réelle de l’économie dépend de deux facteurs principaux : le nombre d’heures travaillées et la productivité. En 2022, les Américains ont travaillé en moyenne 1 804 heures par an, contre 1 535 heures pour les Belges. L’écart est même de 25% si l’on regarde la différence entre l’Allemagne et les USA. LEuropéens privéligent donc clairement le temps libre au travail, et la tendance va clairement dans ce sens puisque, entre 1960 et 2023, on constate une baisse de moins de 10 % du nombre d’heures travaillées aux Etats-Unis contre 20 % à 30 % en Europe. De plus, la productivité aux États-Unis a augmenté de 7 % depuis 2015, contre seulement 1,8 % en Belgique (alors que la Belgique est un des pays les plus productifs du monde).
Silicon Valley, innovation et R&D
Les États-Unis bénéficient également d’un secteur technologique florissant, avec des investissements massifs dans la recherche et le développement. Les investissements américains en R&D représentent 3,4 % du PIB, contre une moyenne européenne de 2,3 %. Cela facilite l’innovation et le développement économique. Or quand on compare les pays de l’OCDE, on constate que l’insuffisance dans les investissement en nouvelles technologies et le faible niveau des dépenses en recherche et développement, sont deux variables influencent fortement les écarts de productivité. Pour espérer inverser la tendance, l’Europe devrait donc encourager des investissements plus osé et high end (élevé en gamme) et accroître les dépenses de R&D et les budgets des universités dans la zone euro.
Flexibilité du marché du travail et bien-être
Comme le précise le Wall Street Journal en 2023, l’Europe se caractérise par « une population vieillissante qui préfère le temps libre et la sécurité de l’emploi aux revenus ». Et c’est vrai que le marché du travail américain est plus flexible, avec moins de réglementations sur les licenciements, ce qui favorise une croissance économique rapide. Cependant il y a un revers à cette médaille puisque cette flexibilité se fait au détriment de certains aspects du bien-être social comme l’accès aux soins de santé, la protection de l’environnement ou encore la sécurité sociale. Ce qui veut dire que si les USA ont effectivement une économie plus dynamique et innovante qui assure une croissance continue, la distribution des richesses y est nettement moins équitable. Concrètement que les Américains vivent dans une société moins juste et globalement moins heureuse.
Une maigre consolation pour l’Europe qui doit trouver des moyens pour stimuler sa productivité et son innovation si elle veut rester compétitive sur la scène mondiale et ne pas se laisser entraîner dans un cercle vicieux de l’appauvrissement relatif. D’autant plus qu’à cela s’ajoutent les coûts liés au vieillissement de sa population et le changement climatique. Autant de choses qui risquent de peser sur l’attractivité de l’Europe.
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