Pas d’armée européenne, mais une centrale d’achat : comment l’Europe veut pouvoir se défendre seule à l’horizon 2030


La Commission européenne présente ce jeudi son livre blanc aux Etats membres, lors d’un nouveau Sommet européen. Le but est d’arriver à une autonomie stratégique d’ici 2030, avec rationalisation, coordination, localisation, mais pas de défense européenne à proprement parler. Les 27 resteront maîtres de leurs choix.
“Les 450 millions de citoyens de l’UE ne devraient pas dépendre de 340 millions d’Américains pour se défendre contre 140 millions de Russes qui n’arrivent pas à battre 38 millions d’Ukrainiens. Nous pouvons faire mieux“, a déclaré le commissaire européen à la Défense, Andrius Kubilius. Après l’invasion russe, l‘humiliation publique de Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale et le rapprochement russo-américain ont fini par réveiller le continent européen. La belle Ariane s’était endormie pendant plusieurs décennies, sous l’abri du parapluie américain, estimant que les guerres séculaires appartenaient au passé.
Le 2e mandat de Donald Trump aura eu ce mérite. Mais pour autant, il ne s’agit pas de dépenser n’importe comment. Mercredi, la Commission européenne a présenté un livre blanc, selon le jargon bruxellois. Dans les faits, il s’agit d’une marche à suivre. Un plan qui balise les investissements colossaux qui sont annoncés. Ce livre blanc est aujourd’hui présenté aux États membres.
ReArm Europe
Il y a d’abord ce que l’on savait déjà : l’Europe permet aux États membres d’activer “une clause nationale de sauvegarde”. Chaque Etat pourra, s’il le souhaite, écarter 1,5% de PIB du déficit, pour autant qu’il s’agisse des dépenses militaires. Effet potentiel : 650 milliards d’euros.
À cela vient s’ajouter un outil financier – SAFE – par lequel la Commission empruntera elle-même 150 milliards d’euros. Elle les prêtera ensuite aux États membres à des conditions favorables. C’est un moyen détourné qui évite un nouvel emprunt commun, comme lors du Covid-19, ce que plusieurs États refusaient.
À ces 800 milliards d’euros s’imbriquera un assouplissement du cadre des prêts de la BEI qui aura les coudées plus franches en matière d’armement. À terme, l’Union de l’épargne et des capitaux doit pouvoir jouer un grand rôle, mais ça prendre du temps.
Centrale d’achat
Il n’est toujours pas question de créer une défense européenne commune. La défense reste le pouvoir régalien par excellence. Par contre, l’Union européenne veut mettre en place une sorte de centrale d’achat avec plusieurs objectifs : réaliser des économies d’échelle, se spécialiser, se coordonner.
Acheter des tanks ou des avions chacun dans son coin n’a pas beaucoup de sens. Chaque État pourrait être amené à se spécialiser dans un ou plusieurs domaines. Par exemple, en Belgique, on vise à développer de A à Z des systèmes de luttes anti-mines. Notre pays pourrait ensuite en faire profiter d’autres États, via l’interopérabilité. Aussi, l’Europe centraliserait les besoins et certains achats, pour pouvoir bénéficier du meilleur prix. C’est une suggestion qui sera soumise ce jeudi aux États membres.
Le livre blanc devrait également pousser pour “la préférence européenne”, ce qui permettrait de soutenir l’industrie. “Les pays de l’UE seront encouragés à réaliser ensemble les investissements nécessaires dans nos capacités et notre industrie de défense, en dépensant davantage et mieux, ensemble. Cette mesure stimulera également la croissance économique, l’innovation et l’emploi, tout en garantissant la viabilité budgétaire”, a commenté Valdis Dombrovskis, commissaire à l’économie.
Les besoins sont ciblés
Les besoins ont été identifiés. Et la liste est longue : la défense aérienne et antimissile, l’artillerie, les munitions, les drones et les systèmes anti-drones, l’appui stratégique, y compris dans l’espace, et enfin la mobilité militaire. Et puis il y a tout ce qui concerne la guerre hybride : la cybersécurité, l’intelligence artificielle et la guerre électronique.
L’objectif est d’aboutir à l’horizon 2030. À cette date, l’Europe doit être capable de se défendre par elle-même. “Nous prenons des mesures décisives et présentons une feuille de route pour la «Préparation à l’horizon 2030», qui prévoit un accroissement des dépenses en matière de défense et des investissements importants dans les capacités de l’industrie de défense européenne. Nous devons privilégier les achats européens parce que cela implique un renforcement de la base industrielle et technologique de défense européenne. Cela permet de stimuler l’innovation et, en outre, de créer un marché des équipements de défense à l’échelle de l’UE“, a plaidé Ursula von der Leyen, président de la Commission.
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