Panne géante en Espagne et au Portugal : le courant revient, les questions demeurent

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Au lendemain d’une coupure électrique d’une ampleur exceptionnelle qui a plongé la péninsule Ibérique dans le chaos, la situation est presque totalement rétablie, mais les causes du black-out restent entourées d’incertitudes.

En Espagne, 99,16 % de l’alimentation électrique était rétablie à l’aube ce mardi, selon le gestionnaire REE. Au Portugal, le réseau électrique est rétabli à 100%” et “parfaitement stabilisé”. La totalité des foyers a donc de nouveau accès à l’énergie électrique.

Dans les deux pays, le retour progressif du courant a redonné vie aux grandes villes : les façades des commerces se sont rallumées, les feux tricolores ont repris leur fonction, et les habitants ont salué la lumière retrouvée par des applaudissements spontanés.

Trafic encore perturbé, situation sous surveillance

À Madrid, si plusieurs lignes de train grandes lignes comme Madrid-Séville ou Madrid-Barcelone ont pu reprendre, les métros restent à l’arrêt ce mardi matin. Les transports restent largement désorganisés, avec des embouteillages massifs, des files interminables aux arrêts de bus, et des piétons contraints de traverser les villes à pied.

Dans la capitale espagnole, près de 300 opérations de secours ont été nécessaires durant la nuit pour sortir des personnes coincées dans des ascenseurs.

Au Portugal, “les trains fonctionnent”, “les aéroports sont opérationnels” et l’approvisionnement de carburant est “normalisé”. A Lisbonne, la vie revient à la normale et les écoles doivent accueillir leurs élèves, a indiqué le ministère de l’Education. La circulation ferroviaire a aussi repris mardi matin, après une grève qui avait provoqué la suppression de toutes les liaisons prévues la veille.

Les stations du métro de Lisbonne étaient toujours fermées vers 08H00 locales (07H00 GMT), mais devaient rouvrir progressivement au cours de la matinée.

Une panne encore inexpliquée

Le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez l’a reconnu : “aucune hypothèse n’est écartée” à ce stade. Seule certitude, «Jamais» il n’y avait eu un tel «effondrement» du réseau espagnol, a souligné Pedro Sanchez. L’Espagne a perdu 15 gigawatts en cinq secondes, soit près de 60 % de sa demande en électricité au moment de l’incident. Un effondrement inédit. Les causes, elles, demeurent floues.

Son homologue portugais Luis Montenegro a de son côté évoqué une “situation grave et inédite” dont l’origine est à trouver “probablement en Espagne”.

Le gestionnaire portugais REN a évoqué hier un phénomène rare : des “vibrations atmosphériques induites” liées à des variations extrêmes de température, qui auraient généré des oscillations anormales dans les lignes à haute tension. Un effet domino se serait alors propagé à l’ensemble du réseau ibérique, interconnecté mais faiblement relié au reste de l’Europe.

Une hypothèse accueillie avec prudence. Du côté espagnol, les responsables appellent à la patience : une enquête technique est en cours, menée avec le niveau de détail requis. Les spéculations sur une éventuelle cyberattaque n’ont pas été confirmées.

Un réseau vulnérable et isolé

L’isolement structurel de la péninsule Ibérique a clairement pesé. Avec seulement trois lignes à très haute tension la reliant à la France, l’Espagne reste relativement coupée du réseau électrique européen. Lors de la panne, la RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, a pu envoyer 700 MW, une aide insuffisante face à l’effondrement brutal du réseau.

Autre fragilité : l’exposition massive aux énergies renouvelables. Les variations de production, notamment de l’éolien, compliquent la stabilisation du réseau. Or, sans système de compensation rapide, une chute de production brutale peut déséquilibrer l’ensemble du système.

Ce qui interpelle surtout, c’est l’échec des dispositifs de sécurité. Ces systèmes sont censés isoler rapidement les incidents. Ici, la cascade de défaillances a continué sans être stoppée, soulevant de nombreuses questions.

Des services essentiels globalement préservés

Malgré le chaos, l’Espagne n’a néanmoins pas connu de crise sanitaire ou sécuritaire majeure. Les hôpitaux ont fonctionné correctement, les écoles restent ouvertes – même si certaines régions les plus touchées pourraient suspendre les cours. L’approvisionnement a été partiellement rétabli grâce aux interconnexions avec la France et le Maroc, et les centrales à gaz et hydroélectriques ont “été réactivées dans tout le pays”, selon M. Sanchez. Les centrales nucléaires ont-elles été arrêtées par précaution.

Pas la première méga-panne en Europe

Récemment, dans le monde, hors coupures d’électricité liées à des phénomènes météo, des méga-pannes d’électricité ont affecté la Tunisie en septembre 2023, le Sri Lanka en août 2020, l’Argentine et l’Uruguay en juin 2019, ainsi que l’Inde, dont la moitié du pays est, fin juillet 2012, victime d’un black-out géant.

En Europe, le 4 novembre 2006 avait marqué la première grande panne d’électricité communautaire, quand une défaillance du réseau allemand plonge dans le noir 10 millions de personnes dont la moitié en France et le reste en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, pendant près d’une heure.

Trois ans, auparavant, l’Italie toute entière, sauf la Sardaigne, avait été privée d’électricité le 28 septembre 2003.

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