Une coupure de courant massive a touché lundi vers 12h30 l’Espagne, le Portugal et une partie du sud de la France. Entraînant dans son sillage chaos et confusion.
Depuis lundi midi, l’Espagne fait face à la panne de courant la plus importante de son histoire, selon Red Eléctrica, le gestionnaire du réseau électrique espagnol.
Chaos et confusion
Des clients qui se précipitent pour retirer du liquide aux distributeurs de banque, des rues bondées d’habitants cherchant désespérément à avoir du réseau téléphonique… La panne d’électricité géante a crée chaos et confusion.
A Madrid comme à Barcelone, de nombreux habitants sont descendus dans la rue, leur téléphone à la main, en quête d’un hypothétique signal. En fin de journée, rentrer chez soi a tourné à l’épreuve pour de nombreux Madrilènes. De longues files improvisées s’étiraient sur plusieurs centaines de mètres aux arrêts de bus. Les bouches de métro fermées, les bus saturés, des milliers de personnes sont rentrées chez elles à pied. Dans le centre de la capitale, tous les véhicules ont été pris dans un embouteillage monstre au milieu duquel zigzaguaient des piétons tentant de se frayer un chemin. Mais dans la soirée, feux rouges et façades des magasins s’allumaient progressivement.
Lundi soir, 11 trains étaient encore bloqués en Espagne avec des passagers à bord, selon le ministre des Transports.
Le trafic aérien est également perturbé notamment dans les aéroports de Madrid, Barcelone et Lisbonne, selon l’organisme de surveillance du ciel européen Eurocontrol.
D’après la radio publique RNE, la coupure n’a pas affecté les îles Canaries et les îles Baléares.
Un retour “rapide” de l’electricité
L’électricité revient néanmoins progressivement en Espagne, où elle était rétablie à hauteur de 35% en début de soirée. “L’approvisionnement a déjà été rétabli dans plusieurs territoires du nord et du sud de la péninsule grâce aux interconnexions avec la France et le Maroc”, a fait savoir le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez lors d’une déclaration solennelle depuis sa résidence officielle.
En parallèle, les centrales à gaz et hydroélectriques ont “été réactivées dans tout le pays, ce qui devrait nous permettre un rétablissement rapide de l’approvisionnement” de l’électricité dans toute l’Espagne”, a ajouté le dirigeant socialiste.
Néanmoins, “l’Espagne dispose des outils pour faire face à ce type de situations”, a insisté le dirigeant socialiste, qui s’exprimait à l’issue d’une réunion de crise, à laquelle ont participé plusieurs ministres. “Il n’y a pas de problèmes d’insécurité. Notre système hospitalier marche correctement” et “il y a des groupes électrogènes dans les centres sanitaires qui fonctionnent normalement et disposent d’une large autonomie”, a affirmé M. Sanchez. Pour cette raison, “je veux appeler les citoyens à collaborer avec les autorités et à agir avec responsabilité et civisme, comme nous l’avons toujours fait lors de crises passées”, a-t-il ajouté.
La compagnie Telefónica a précisé qu’elle opérait “grâce à des générateurs et des batteries”.
Lumières à Porto, Lisbonne dans le noir
Au Portugal, le gestionnaire du réseau électrique national (REN) a annoncé en soirée avoir rétabli le courant chez quelque 750.000 consommateurs, sur un total de 6,5 millions. “J’espère que nous parviendrons à équilibrer tout le système pendant cette nuit”, a déclaré aux médias l’administrateur de REN Joao Faria Conceiçao. “Tous les plans de rétablissement par étapes de l’approvisionnement d’énergie ont été activés, en coordination avec les producteurs et opérateurs européens d’énergie”, a précisé REN dans un communiqué envoyé à l’AFP.
D’après plusieurs témoignages recueillis par l’AFP, la coupure de courant a touché plusieurs quartiers de la capitale Lisbonne, où le système de signalisation routière est en panne. Selon les médias locaux, au moins quatre rames du métro de la capitale portugaise ont dû être évacuées.
Les stations d’approvisionnement de la région de Porto, la grande ville du nord du pays, sont de nouveau opérationnelles, mais la capitale Lisbonne était toujours privée d’électricité à la tombée de la nuit.
Des “fluctuations anormales” à l’origine de la panne électrique ?
Si la situation s’améliore, relancer un réseau après un black-out prend du temps. Finies les automatisations. Chaque étape doit être vérifiée, chaque réacteur rallumé avec précaution. Une lenteur nécessaire pour éviter un nouvel effondrement. C’est comme à la maison : quand tout disjoncte, il faut d’abord trouver la panne avant de réenclencher, sinon tout saute à nouveau. L’opérateur du réseau espagnol a prévenu que les problèmes pourraient perdurer une semaine.
C’est d’autant plus vrai que les causes ne sont toujours pas officiellement connues et les hypothèses nombreuses. Le ton est donc à la prudence.
“Nous n’avons toujours pas d’informations concluantes sur les causes” de la coupure, a ainsi assuré Pedro Sanchez, en appelant les habitants à “s’informer par les canaux officiels” de communication et à ne pas spéculer alors que des rumeurs ont fait un temps état d’une cyberattaque.
Selon le gestionnaire du réseau d’électricité au Portugal (REN), la panne d’électricité serait plutôt due à un problème atmosphérique rare. Pour lui des variations extrêmes de température dans l’arrière-pays ont provoqué des oscillations anormales dans les câbles à haute tension. Le phénomène est décrit comme une “vibration atmosphérique induite”. Les réseaux dans la péninsule ibérique étant interconnectés, cela a entraîné une sorte d’effet domino qui a provoqué des défaillances successives dans le réseau européen commun, souligne REN.
Mais pour certains experts, la thèse du Portugal ne convainc pas tout à fait.
Une panne électrique amplifiée par l’isolement de la péninsule Ibérique
“Nous ne pouvons pas spéculer pour l’instant sur les causes” de la panne, a affirmé de son côté Eduardo Prieto, un responsable de Réseau d’Electricité en Espagne sur la radio Cadena Ser. Tout va être “analysé avec le niveau de détail requis” dès que cela serait possible “pour faire la lumière” sur l’origine de la coupure, a encore souligné M. Prieto.
La péninsule Ibérique, comme son nom l’indique, reste isolée du reste de l’Europe. Seules trois lignes à très haute tension la relient à la France. Résultat : en cas de problème, l’aide européenne est limitée à 950 MW, soit l’équivalent d’un réacteur nucléaire de première génération. La RTE, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, a pu envoyer 700 MW vers l’Espagne, mais cela n’a pas suffi à compenser l’ampleur de la coupure.
D’autres fragilités pèsent en effet sur le réseau espagnol. Très exposé aux énergies renouvelables, il subit de fortes variations de production, difficiles à gérer sans solutions d’équilibrage rapides. Le pays manque de dispositifs pour compenser, par exemple, l’arrêt soudain d’un parc éolien. Or, maintenir l’équilibre permanent entre offre et demande est essentiel pour éviter tout basculement.
Le plus étonnant reste cependant la propagation de l’incident. Normalement, des systèmes de sécurité isolent rapidement les pannes. Mais ici, ils n’ont pas suffi. Ce qui interpelle est donc l’ampleur du phénomène. Le gestionnaire dispose en principe de plusieurs outils pour enrayer la crise progressivement. Pourquoi n’ont-ils pas fonctionné ?
Pour sa part, la Commission européenne a indiqué lundi être “en contact” avec les autorités espagnoles et portugaises afin de déterminer “les causes” de la panne d’électricité. L’exécutif européen continuera à “surveiller la situation” et veillera “à ce que l’échange d’informations entre toutes les parties concernées se fasse sans encombre”, a assuré une porte-parole.
Quelques autres méga-pannes
Récemment, dans le monde, hors coupures d’électricité liées à des phénomènes météo, des méga-pannes d’électricité ont affecté la Tunisie en septembre 2023, le Sri Lanka en août 2020, l’Argentine et l’Uruguay en juin 2019, ainsi que l’Inde, dont la moitié du pays est, fin juillet 2012, victime d’un black-out géant.
En Europe, le 4 novembre 2006 avait marqué la première grande panne d’électricité communautaire, quand une défaillance du réseau allemand plonge dans le noir 10 millions de personnes dont la moitié en France et le reste en Allemagne, Belgique, Pays-Bas, Italie, Espagne, pendant près d’une heure.
Trois ans, auparavant, l’Italie toute entière, sauf la Sardaigne, avait été privée d’électricité le 28 septembre 2003.