Nouvelles routes de la soie: l’Italie marche sur des oeufs

Giorgia Meloni . © BELGA IMAGE

Lorsque la Première ministre italienne Giorgia Meloni rencontrera ses homologues du G7 en fin de semaine au Japon, ses alliés chercheront à confirmer que Rome est prêt à quitter la très controversée initiative chinoise des Nouvelles routes de la soie.

En 2019, l’Italie, ployant sous le poids de sa dette publique, est devenue le seul pays du G7 à participer à ce programme d’investissements massifs de Pékin, décrit par ses opposants comme un cheval de Troie destiné à obtenir une influence politique.

Cet ambitieux projet de Pékin, lancé sous l’impulsion du président Xi Jinping, vise à améliorer les liaisons commerciales entre l’Asie, l’Europe, l’Afrique et même au-delà par la construction de ports, de voies ferrées, d’aéroports ou de parcs industriels.

Ce projet, auquel adhèrent plus de 150 pays selon Pékin, est aussi critiqué à l’international pour l’endettement dangereux qu’il fait peser sur des pays pauvres.

L’accord italo-chinois se renouvelle automatiquement en mars 2024 à moins que l’Italie décide d’en sortir d’ici fin 2023, un sujet fort épineux.

Provoquer Pékin

Mme Meloni, dont le parti d’extrême droite Fratelli d’Italia a remporté les législatives en septembre, veut démontrer la loyauté de Rome envers les Etats-Unis, l’Otan et l’Union européenne.

Elle est aussi sous pression sur la scène politique intérieure afin de concrétiser sa première invitation à la Maison Blanche, et la participation italienne au projet chinois pourrait être une pierre d’achoppement.

Durant la campagne électorale, Mme Meloni l’a qualifiée de “grave erreur”, tandis que son ministre de la Défense a jugé son renouvellement “peu probable”.

Rome hésite cependant à provoquer Pékin, qui pourrait adopter des représailles contre les sociétés italiennes, affaiblies par la pandémie de coronavirus et souffrant des sanctions adoptées contre la Russie dans la foulée de l’invasion de l’Ukraine.

Mme Meloni a souligné la semaine dernière qu’aucune décision n’avait encore été prise sur ce sujet, “qui doit être traité avec beaucoup de prudence”.

Selon une source gouvernementale interrogée par l’AFP, aucune annonce sur ce sujet n’est attendue au sommet du G7, dont les membres tenteront d’adopter une ligne commune face à la montée en puissance économique et militaire du géant asiatique.

“Impact limité”

“Meloni doit être à la fois le Yin et le Yang”, a résumé pour l’AFP Giuliano Noci, expert de la Chine à l’école de commerce Polytechnique de Milan.

“Il faut prendre en considération le Traité de l’Atlantique Nord et les pays occidentaux” mais “elle ne peut pas quitter (les Routes de la soie) pour faire plaisir aux Américains tout en pénalisant les sociétés italiennes, on ne le lui pardonnerait pas”.

Mais pour Philippe Le Corre, membre du groupe de réflexion américain The Asia Society Policy Institute, les actions de la Chine ces dernières années, en particulier dans la gestion de la pandémie, ont affecté “de manière assez négative” son image en Italie.

“Politiquement, je crois que l’électorat de Meloni ne comprendrait pas qu’elle décide de rester (…) à moins que la Chine lui concède un engagement important quand elle se rendra” sur place cet été, ajoute-t-il.

L’accord signé avec Pékin, qui n’est pas contraignant, prévoit des coopérations dans une multitude de secteurs: logistique, infrastructures, finances et environnement.

“La Chine n’a pas concrétisé ses promesses”

L’absence de transparence sur les détails de cet accord a alimenté la méfiance des alliés de Rome, alors que sa signature “avait été considérée comme la plus grande réussite de Xi Jinping lors de sa tournée européenne en 2019”, selon Philippe Le Corre.

“Le problème est que la Chine n’a pas concrétisé ses promesses”, souligne-t-il, alors que le prédécesseur de Mme Meloni, Mario Draghi, qui avait pris ses fonctions en février 2021, a gelé l’accord et a utilisé le droit de blocage du gouvernement dans les secteurs jugés stratégiques pour empêcher tout investissement de haut niveau des sociétés chinoises en Italie.

Pour Lorenzo Codogno, ex-chef économiste au Trésor italien, les Routes de la soie ont eu “un impact limité” en Italie et “ont déçu en termes de nouvelles initiatives communes”, alors que d’autres grandes économiques européennes, comme la France et l’Allemagne, tout en ne rejoignant pas le projet chinois, ont bénéficié d’importants accords commerciaux et d’investissements.

Selon les derniers chiffres disponibles, “en 2021, les Pays-Bas ont reçu le plus d’investissements chinois, suivis de l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni”, a-t-il souligné dans une note.

Non seulement l’Italie profite peu des Routes de la soie, mais une sortie brutale pourrait pénaliser des secteurs clés de son économie comme les grandes marques de luxe au profit de pays comme la France, avertit Giuliano Noci.

“L’enjeu principal est de ne pas faire perdre la face à la Chine, car cela pourrait s’avérer très problématique”, conclut-il.

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