Non, le Groenland n’est pas à vendre
N’en déplaise à Trump, le Groenland n’est “pas à vendre”. Ce territoire autonome du Danemark était déjà dans le viseur du futur président américain lors de son premier mandat. Alors bluff ou réalité ?
“Pour la sécurité nationale et la liberté à travers le monde, les Etats-Unis d’Amérique estiment que la propriété et le contrôle du Groenland en font une nécessité absolue”, a écrit dimanche le républicain sur son réseau Truth Social, sans préciser ce qu’il entendait par là. La phrase de Donald Trump dimanche accompagnait l’annonce de son prochain ambassadeur à Copenhague, Ken Howery, ancien ambassadeur américain en Suède, financier et co-fondateur de PayPal.
Pas une nouvelle lubie
Des déclarations qui font écho à celles tenues en 2019. Donald Trump, alors président, avait ouvertement envisagé l’achat par les Etats-Unis de ce territoire de l’Arctique, évoquant une potentielle “grosse transaction immobilière” qui serait “stratégiquement intéressante”. L’affaire avait provoqué une crise diplomatique avec le Danemark, membre de l’Otan et auprès duquel est rattaché ce territoire glacé grand comme quatre fois la France.
“Le Groenland est à nous. Nous ne sommes pas à vendre, et nous ne le serons jamais. Nous n’abandonnerons pas notre long combat pour la liberté”, a répondu sur Facebook le Premier ministre du Groenland, Mute Egede. Ajoutant tout de même pour le reste du monde: “Mais nous devons rester ouverts à la coopération et au commerce international, et notamment avec nos voisins.”
Ce territoire autonome depuis 1979 attire les convoitises
Autonome depuis 1979, le Groenland, 56.000 habitants sur un territoire immense de près de 2,2 millions de kilomètres carrés situé à quelque 2.500 km de la puissance tutélaire, a son drapeau, sa langue, sa culture, ses institutions et un Premier ministre. Ses ressources naturelles (pétrole, gaz, or, diamant, uranium, zinc, plomb) et le réchauffement climatique, qui ouvre de nouvelles voies maritimes, attisent les convoitises des Etats-Unis, de la Chine et de la Russie notamment. Nuuk, la capitale du Groenland, s’est récemment dotée d’une nouvelle piste d’atterrissage afin de pouvoir faire atterrir de plus gros avions de ligne et développer le tourisme. A partir de l’été 2025, l’aéroport de Nuuk accueillera deux liaisons par semaine avec New York.
Trump doit-il être pris au sérieux ?
En défiant la souveraineté de certains alliés de Washington quatre semaines avant son retour à la Maison Blanche, le président élu rappelle surtout qu’il a le profil d’un perturbateur-en-chef de l’ordre international. Ainsi la semaine dernière, l’ancien promoteur immobilier avait répété que ce serait une “excellente idée” de faire du Canada le 51e Etat américain, après avoir menacé ce pays voisin d’augmenter les droits de douane de 25%. Il aussi lancé quelques stribes sur le canal de Panama (voir ci-dessous)
Mais certains soupçonnent le milliardaire de jouer de son image d’ancienne star de télé-réalité et de vouloir faire les gros titres pour s’imposer comme homme fort, à l’étranger comme aux Etats-Unis. “C’est difficile de savoir à quel point il pense ce qu’il dit et à quel point il fait ça pour que ses petites phrases soient reprises”, explique Frank Sesno à l’AFP, professeur à l’Université George Washington et ancien journaliste détaché à la Maison Blanche.
“Il met les autres dirigeants dans la position de devoir démêler le vrai du faux”, a-t-il ajouté. “Est-ce une blague, est-ce sérieux? Imaginez que vous soyez le président du pays en question comment réagissez-vous à une telle situation? Vous ne pouvez pas l’ignorer et votre pays ne vous laissera pas le faire. De tels commentaires ont une grande répercussion”, affirme Frank Sesno.
Un message la Chine ?
La rhétorique de Donald Trump pourrait toutefois faire partie d’une stratégie plus large. “Ses déclarations sur le Groenland sont peut-être destinées à la Chine”, songe Stephanie Pezard, chercheuse en sciences politiques à l’institut Rand Corporation. Tout comme M. Trump s’est inquiété de l’influence de Pékin au Panama, la présence croissante de la Chine dans l’Arctique et ses liens avec la Russie sont “quelque chose qui préoccupe vraiment les Etats-Unis”, relève Mme Pezard. Mais il pourrait également s’agir d’un signal adressé au Danemark: “Si vous êtes trop amical avec la Chine, vous nous trouverez sur votre chemin”, même si le Danemark et le Groenland ont été “de très bons alliés au sein de l’OTAN”, poursuit la chercheuse.
Acheter le Groenland, un projet irréalisable
Car “Acheter” le Groenland est un projet irréalisable, “non seulement en matière de droit international, mais plus largement dans l’ordre mondial que les États-Unis essaient de maintenir”, estime Stephanie Pezard.
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