Nominations à la Maison-Blanche: Trump en roue libre
Le train de nominations de la prochaine administration américaine s’est ébranlé. Et il a démarré très fort, avec les désignations de trois personnalités controversées à des postes-clés: Matt Gaetz à la Justice, Tulsi Gabbard à la Sécurité intérieure et Pete Hegseth à la Défense.
Petit à petit, Donald Trump construit son équipe. Il avait relativement rassuré au départ en nommant comme chef de cabinet Suzie Wiles, une fidèle parmi les fidèles qui était aussi sa directrice de campagne, mais qui est considérée par tous comme intelligente et professionnelle. La nomination de Marco Rubio, le sénateur de Floride d’origine cubaine, au « Department of State », le ministère des Affaires étrangères, avait, elle aussi, été relativement bien accueillie. Ses relations avec Donald Trump n’ont pas toujours été au beau fixe, il est notoirement hostile au Kremlin, ce qui laisse espérer une petite marge de manœuvre face au Président. Cependant, les nouvelles nominations dévoilées ces dernières heures sont nettement plus controversées, au sein même du camp républicain.
Matt Gaetz, celui qui veut supprimer la Justice
La grande surprise a été l’apparition de Matt Gaetz comme Attorney General, autrement dit ministre de la Justice. Ce quadragénaire, que l’on peut qualifier d’extrême droite, anti-avortement, anti-taxe, climatosceptique, fait l’objet de poursuites pour avoir eu une relation avec une mineure, ce qu’il a toujours nié.
Il a également été poursuivi par le comité d’éthique de la Chambre des représentants, une instance pourtant dirigée par les républicains, pour avoir consommé de la drogue et avoir eu des comportements peu en phase avec sa responsabilité d’élu, acceptant des cadeaux et accordant des faveurs avec beaucoup de générosité.
Matt Gaetz a soutenu les groupes qui étaient montés à l’assaut du Capitole en janvier 2020, il est proche du groupe de suprémacistes blancs les Proud Boys et s’était déclaré un jour en faveur de l’abolition du ministère de la Justice, « à moins d’une réforme profonde ».
Mais Matt Gaetz à la Justice assure un élément-clé : il fera en sorte que les poursuites qui existent encore contre Trump (et accessoirement contre lui) soient définitivement balayées.
Plus d’éducation, de fisc, de FBI ?
Autre personnage controversé : Tulsi Gabbard. Elle est désignée pour diriger les 18 agences de services de renseignement. Cette ancienne militaire, ancienne démocrate, ralliée à la cause républicaine il y a deux ans et à Donald Trump cet été, n’a aucune expérience dans le domaine de la sécurité intérieure.
Pire, elle a relayé sur les réseaux sociaux des désinformations patentes du Kremlin, qu’elle a présentées comme des « faits indéniables », comme le fait que l’on avait découvert en Ukraine des laboratoires travaillant à la guerre bactériologique. Lors de l’invasion russe de l’Ukraine, elle avait écrit : « cette guerre et cette souffrance auraient pu être évitées si l’administration Biden et l’Otan avaient simplement pris en compte les inquiétudes légitimes de la Russie sur une possible entrée de l’Ukraine dans l’Otan».
Dernière nomination surprenante, celle de Pete Hegseth à la Défense. Ce journaliste de Fox News est lui aussi largement inexpérimenté en matière de défense. Le point le plus connu de cette vedette télévisée est son combat pour « viriliser » l’armée et combattre la politique de diversité au sein des forces militaires américaines.
On ne reviendra pas sur la création du nouveau ministère à l’efficacité gouvernementale, le DOGE (clin d’œil à la crypto monnaie du même nom), qui sera dirigé par un tandem de choc, deux hommes d’affaires libertaires : Elon Musk et Vivek Ramaswamy. Ce dernier, lorsqu’il était candidat aux élections présidentielles, proposait de fermer le FBI, l’IRS (l’administration fiscale) et le ministère de l’Éducation….
La pire nomination de l’histoire
« En choisissant M. Gaetz et d’autres fidèles, M. Trump tente de s’assurer qu’il peut laisser les leviers du gouvernement fédéral à des personnes qui, en fin de compte, lui rendent des comptes », commente le New York Times. Contrairement à l’administration Trump de 2016-2020, personne n’osera lever le petit doigt.
Lors de la première présidence, en effet, on avait assisté à l’opposition de responsables qui s’étaient opposés à certaines décisions présidentielles : le général Mattis, chef d’état-major, avait protesté contre l’effritement des alliances bâties depuis un demi-siècle par les États-Unis. Le ministre de la Justice Jeff Sessions n’avait pas voulu forcer son département dans l’enquête sur les liens de Trump avec la Russie. Le conseiller à la sécurité nationale John Bolton n’avait pas apprécié le flirt de Donald Trump avec Vladimir Poutine ou le dictateur Nord-Coréen Kim Jon-un. Tous avaient fini par démissionner.
Aucun membre de l’ancien cabinet de Donald Trump, celui qui avait œuvré en 2016-2020, ne s’est d’ailleurs montré en faveur du président reconduit, sauf Nikki Halley, l’ancienne ambassadrice américaine aux Nations-Unies, qui ne devrait cependant pas recevoir de poste dans la nouvelle administration et qui semble elle aussi se distancier de la nouvelle équipe. Elle aurait été contactée et aurait refusé : « Je sais à quel jeu il (Donald Trump) a joué. Et je ne désire pas entrer dans ce jeu », aurait-elle dit, selon le Wall Street Journal.
En apprenant ces nominations, John Bolton, que l’on ne peut pas considérer comme un républicain modéré, a estimé, sur une chaîne télévisée, que la nomination de Gaetz à la Justice était « la pire nomination à un poste ministériel de l’histoire américaine ».
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