Musk part en croisade contre l’Europe

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Elon Musk découvert l’ampleur de son influence politique avec la victoire de Donald Trump. Il semble y avoir pris goût et lance désormais ses flèches vers l’Europe.

Le soutien affiché de Musk à l’Alternative für Deutschland (AfD), parti d’extrême droite allemand, aura fait froncer de nombreux sourcils cette semaine. “Qui aurait pu imaginer, il y a dix ans, qu’un propriétaire de réseau social influencerait directement des élections, même en Allemagne ?”, s’interroge ainsi Emmanuel Macron.

D’autant plus que le soutien est loin d’être dans l’ombre puisqu’il a été jusqu’à organiser une retransmission en direct. Avec en tête d’affiche Alice Weidel, figure de proue de l’AfD, parti qu’il a qualifié comme “le seul capable de sauver l’Allemagne“. Musk a laissé carte blanche à Weidel pour relayer des messages polémiques. Elle ira jusqu’à prétendre que Hitler était un communiste.

De tels propos ont suscité des inquiétudes dans d’autres pays européens. En Pologne, par exemple, où des élections présidentielles auront lieu en mai. Poussant le ministre polonais des Affaires étrangères a déclaré : “Nous devons protéger nos processus démocratiques pour que ce soit les Polonais qui élisent leur président, pas des étrangers.”

Ils sont aujourd’hui nombreux à penser que son ingérence dans les élections allemandes ne soit que la première étape d’un plan visant à affaiblir l’UE.

Une stratégie économique et politique combinée

Malgré les craintes d’un plan machiavélique pour affaiblir l’UE, certains experts, comme Alberto Alemanno, professeur de droit européen, estiment que Musk est avant tout motivé par ses intérêts économiques. “Ses attaques visent souvent à promouvoir ses activités et à protéger ses intérêts financiers”, explique-t-il. Robert Habeck, le vice-chancelier vert allemand et ministre de l’Économie va  lui aussi dans ce sens. Pour lui, «il y a une logique et un système derrière tout cela. Musk renforce les partis qui veulent affaiblir l’Europe. » Or l’Union européenne est connue pour sa régulation stricte des grandes entreprises technologiques, à travers des lois comme le RGPD (Règlement général sur la protection des données) ou le DSA (Digital Services Act). Ces cadres législatifs imposent des coûts supplémentaires aux géants technologiques, ce qui, selon Musk et d’autres acteurs de la Silicon Valley, nuit à leur modèle économique.

En croisade contre la régulation européenne

L’objectif de Musk semble être de freiner la “régulite bruxelloise” en soutenant des mouvements eurosceptiques. Selon Steve Bannon, ancien stratège de Trump, “Musk pourrait injecter autant d’argent en Europe qu’il ne l’a fait pour Trump, et ainsi faire basculer les gouvernements vers un agenda populiste.” Toujours selon Banon, il n’y a aucun gouvernement de centre-gauche en Europe qui pourra résister à une telle attaque. L’argent et l’information sont les deux armes tactiques de la politique moderne – et Musk peut déployer les deux à une échelle jamais vue. »

L’opposition de Musk à l’UE se manifeste également par ses critiques virulentes envers la Commission européenne, qu’il a qualifiée d’”antidémocratique”. Cette institution est devenue la cible principale des entreprises américaines en raison de ses enquêtes et sanctions. Par exemple, en 2023, un examen des pratiques de X (anciennement Twitter) a révélé des violations potentielles du DSA. Si confirmé, X pourrait faire face à des amendes s’élevant à 6 % de son chiffre d’affaires mondial, soit près de 250 millions d’euros.

Une influence croissante, mais controversée

L’attirance de Musk pour des figures comme Giorgia Meloni ou Nigel Farage illustre également un virage idéologique. Autrefois partisan modéré et donateur pour Barack Obama, Musk a changé de cap après des événements personnels, notamment la rupture avec sa compagne Grimes et l’éloignement d’un de ses enfants transgenres. Depuis, il s’oppose au “wokisme”, qu’il perçoit comme une menace existentielle.

Sa radicalisation est alimentée par des influenceurs et théories complotistes relayés sur sa propre plateforme, X. En Allemagne, il est influencé par Naomi Seibt, une militante proche de l’AfD, qui promeut des discours climato-sceptiques et anti-européens.

Une bataille pour l’avenir de l’UE

Face à ces ingérences croissantes, la Commission européenne doit faire preuve de fermeté. Selon le ministre français des Affaires étrangères, “si nous n’appliquons pas nos lois avec la plus grande détermination, elles perdront toute crédibilité.”

Dans ce contexte, l’affrontement entre l’UE et Musk pourrait marquer le début d’un conflit majeur avec la prochaine administration américaine.

Car Musk a découvert aux États-Unis qu’il possédait un puissant instrument de pouvoir et nul doute qu’il souhaite élargir son territoire d’influence.

Pour les diplomates européens, une chose est sûre: la relation entre l’UE et les géants technologiques devient le principal nouveau terrain de confrontation géopolitique. Les institutions européennes doivent impérativement renforcer leur résilience face à ce type d’ingérence. L’avenir de l’Union européenne en tant qu’entité intégrée et régulatrice pourrait bien dépendre de sa capacité à répondre à ces défis.

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