Muhammad Yunus, économiste et Prix Nobel, à la tête d’un Bangladesh exsangue
Le père du microcrédit prend ses responsabilités. Ce n’est pas tous les jours qu’une personnalité de cette trempe dirige un pays. Sa mission, transitoire, vise à stabiliser un Bangladesh mal en point.
Le Bangladesh respire un peu. Le règne musclé de la Première ministre Sheikh Hasina s’est terminé après des manifestations d’étudiants brutalement réprimée. Pour assumer la transition, un “père de la nation” inattendu a accepté de prendre ses responsabilités: Muhammad Yunus. Il devra accompagner ce pays martyr dans une transition qui sera tout sauf aisée.
Cet économiste avait reçu le prix Nobel de la Paix en 2006. Une surprise, déjà, car il n’entrait pas dans le périmètre “traditionnel” de cette distinction. Muhammad Yunus avait créé en 1976 la Grameen Bank, pionnière du micro-crédit. Depuis, ce soutien aux petites activités, souvent d’une personne, s’est répandu dans le monde entier. De quoi rendre de la dignité à ceux qui n’ont rien ou qui ont tout perdu.
“Le courage de mon peuple”
Muhammed Yunus est aoujourd’hui âgé de 84 ans et a “toujours mis la politique à distance”, de son propre aveu. “Mais aujourd’hui, s’il faut agir au Bangladesh, pour mon pays et pour le courage de mon peuple, alors je le ferai“, dit-il. Sa mission est transitoire, elle consiste à accompagner l’organisation d’élections libres, après la dissolution du parlement par le président Mohammed Shahabuddin.
Le Prix Nobel est connu dans le monde entier pour avoir sorti des millions de personnes de la pauvreté grâce à sa banque de microfinance. Mais il s’était attiré l’inimitié persistante de la Première ministre du Bangladesh, Sheikh Hasina, qui l’a accusé de “sucer le sang” des pauvres. En juin dernier, il avait été inculpé pour “corruption” dans un acte politique. Dans son acte d’accusation, l’agence nationale de lutte contre la corruption reprochait à Muhammad Yunus et à 13 autres personnes d’avoir détourné l’équivalent de 2,1 millions de dollars de Grameen Telecom, l’une des entreprises qu’il a fondées.
Grameen Telecom, créée pour offrir des services de téléphonie mobile bon marché dans les zones rurales, est l’une des sociétés les plus riches du Bangladesh. Elle détient une participation de 34% dans le plus grand réseau de téléphonie mobile de ce pays, d’une valeur de plusieurs milliards de dollars.
Mission de sauvetage
Le prix Nobel devra stabiliser un pays exsangue en raison de la violence politique des derniers mois. Au moins 109 personnes ont été tuées lors des violents affrontements qui ont secoué le pays lundi, jour marqué par la fuite à l’étranger de la Première ministre, ont indiqué la police et des médecins, Il s’agit de la journée la plus meurtrière depuis le début des manifestations contre les quotas d’embauche dans l’administration, décidée par le pouvoir défait début juillet, avec un nombre total de morts s’élevant à 409.
Dans ce pays musulman de 170 millions d’habitants comptant de nombreux diplômés au chômage, les étudiants exigeaient l’abolition d’un système de discrimination positive, accusé de favoriser l’embauche de proches du pouvoir dans l’administration. Partiellement aboli en 2018, ce système a été restauré en juin par décision de justice, mettant le feu aux poudres.
Le Bangladesh, un des pays les plus pauvres du monde, se trouve en première ligne du changement climatique. C’est l’un des pays les plus sujets aux catastrophes au monde, qui subit plusieurs tempêtes cycloniques chaque année, leur impact étant amplifié par la baie en forme d’entonnoir du pays, provoquant des inondations d’envergure. D’ici 2050, jusqu’à 13,3 millions de Bangladais pourraient être déplacés en raison du changement climatique.
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