Merci le Kirghizstan ! L’élite russe achète en masse des voitures de luxe allemandes

L’exportation de voitures de luxe vers la Russie est en plein essor. Et l’une des principales portes d’entrée est le Kirghizstan. Un simple coup de téléphone montre à quel point les sanctions sont contournées sans scrupules.
Le concessionnaire automobile moscovite Berg Auto Premium se présente comme un temple du luxe. Parmi les véhicules proposés : une élégante Mercedes AMG 63, une BMW X7 noire, un Porsche Cayenne de 460 chevaux. Pourtant, ces modèles ne peuvent plus être importés officiellement en Russie. Ce qui n’empêche pas le marché d’être en plein boom.
Depuis l’invasion russe de l’Ukraine, l’Union européenne a interdit l’exportation de biens de luxe vers la Russie, y compris les automobiles d’une valeur supérieure à 50 000 euros. Mais l’élite russe a rapidement trouvé des moyens de contourner ces sanctions. Plutôt que d’être livrés directement à la Russie, les véhicules transitent désormais par des pays tiers, comme la Biélorussie.
Un commerce en plein essor via le Kirghizstan
Un autre pays aurait tiré profit de ce commerce, alors qui ne partage même pas de frontière avec la Russie : le Kirghizstan. Selon les données commerciales disponibles, cet État d’Asie centrale a importé des véhicules pour un total de 224 millions de dollars entre 2019 et 2021. Mais en 2023, après le début de l’invasion russe, ce chiffre a explosé pour atteindre près de 2,8 milliards de dollars, soit une augmentation de 1 100 %.
Le prix d’une Porsche 911 avec des équipements spéciaux y atteint les 500 000 euros, un montant bien supérieur à son prix sur le marché allemand.
Ce volume d’importations est totalement disproportionné pour un pays comptant seulement 7 millions d’habitants. D’après une enquête menée par Der Spiegel, le journal autrichien Standard et le réseau international de journalistes Forbidden Stories, le Kirghizstan est devenu une plaque tournante du commerce avec la Russie, ou plus précisément, une porte d’entrée permettant de contourner les sanctions occidentales.
Un flux ininterrompu malgré les sanctions
L’exportation de voitures allemandes vers le Kirghizstan a fortement augmenté depuis le début de la guerre en Ukraine (voir graphique). Alors que le gouvernement allemand affirme que les sanctions contre la Russie sont “efficaces”, le commerce via le Kirghizstan se poursuit sans réelle entrave.

La faute à l’Allemagne qui ne fait pas assez pour sanctionner les violations de l’embargo, estime Julia Grauvogel, chercheuse à l’Institut Leibniz pour les études globales et régionales (Leibniz Institute of Global and Area Studies). De nombreux acteurs du secteur n’ont pas la capacité de vérifier où leurs exportations finissent réellement.
Selon les données des douanes russes, rien qu’en 2023, 1 900 livraisons de pièces détachées ou de véhicules complets BMW, Mercedes et Porsche en provenance d’Allemagne et d’autres pays européens ont transité par le Kirghizstan avant d’arriver en Russie.
En réalité, la plupart de ces voitures n’entrent même jamais sur le territoire kirghize. Seuls les documents douaniers y sont validés, tandis que les véhicules sont directement acheminés vers la Russie. D’après Der Spiegel, les enquêteurs allemands n’ignorent rien de cette fraude. Et il y a à peine quelques semaines, BMW a dû reconnaître que, malgré les sanctions, plus de 100 véhicules avaient été exportés vers la Russie par un concessionnaire.
Un contournement peu discret des sanctions
Un simple test illustre à quel point les sanctions sont contournées sans vergogne. Une journaliste russe du média indépendant istories a appelé Berg Auto Premium à Moscou, se faisant passer pour l’assistante d’un riche homme d’affaires souhaitant acheter une Porsche 911 aux options personnalisées. Elle a précisé que l’acheteur voulait s’assurer que le véhicule soit neuf et livré depuis l’Europe. La réponse du vendeur a été claire : “Vous recevrez tous les certificats. Tout est européen.”
Le véhicule pouvait même être configuré directement sur le site officiel de Porsche en Allemagne. Son prix ? Un peu moins de 500 000 euros, un montant bien supérieur au tarif pratiqué en Allemagne.
Der Spiegel
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