En décidant l’envoi de deux sous-marins, le président Donald Trump renverse la logique de la dissuasion dans le conflit ukrainien. Le porte-parole russe demande que l’on fasse preuve d’une “grande prudence”. Le monde à l’envers. Mais que cache cette dissuasion renvoyée à l’expéditeur?
Depuis le début de la guerre déclenchée par la Russie en Ukraine, Vladimir Poutine utilise de façon récurrente la menace nucléaire. C’est une première: le parapluie devient une dissuasion destinée à couvrir une agression contre un Etat souverain. C’est, aussi, une façon de semer la peur dans l’Occident honni et de déstabiliser les opinions publiques.
Ce langage se retourne-t-il contre le régime russe? La décision prise par le président américain, Donald Trump, de rapprocher deux sous-marins nucléaires “plus près de la Russie” change en tout cas la donne. Même si Dimitri Peskov, porte-parole du Kremlin, a affirmé en retour que les deux sous-marins américains en question étaient “déjà en service” en permanence.
“La main morte”
En quoi cette annonce de Donald Trump change-t-elle la donne? Pour la première fois, comme une confirmation de la fin de l’idylle entre les deux hommes, le président américain indique que lui aussi peut jouer de ce chantage nucléaire. Comme s’il s’agissait de dire à Moscou qu’il faut arrêter cet usage disproportionné de la dissuasion.
C’est, d’une certaine manière, “la stratégie du fou” utilisée en son temps par le président Richard Nixon. Le point de départ de la riposte américaine ne concerne pourtant pas Vladimir Poutine lui-même, mais bien l’ancien président russe Dimitri Medvedev, l’ancien libéral devenu provocateur nationaliste pour continuer à exister.
Qualifié de “président raté qui croit encore être président” par Trump, celui-ci avait invité sur le réseau Telegram et en russe le locataire de la Maison Blanche à revoir la série télévisée postapocalyptique The Walking Dead pour se figurer les conséquences d’un conflit avec la Russie, faisant allusion à la “main morte”, le système de riposte nucléaire automatique de la Russie soviétique.
En s’en prenant à Medvedev, disent les experts, Trump joue sur une tension diplomatique qui reste mesurée. Mais le président américain provoque, toutefois, là où son prédécesseur Joe Biden freinait des quatre fers dès qu’il était question de l’arme ultime.
“Une grande prudence”
Le porte-parole du Kremlin, Dimitri Peskov, a pour la première fois apporté une réponse officielle de Moscou à ce bras de fer. “Nous pensons que tout le monde doit faire preuve d’une grande prudence dans ses déclarations sur le nucléaire”, a-t-il déclaré lors d’un briefing, auquel participe l’Agence France-Presse.
C’est le monde à l’envers. “Peskov est trop heureux d’apparaître comme un adulte au Kremlin”, estime Bruno Tertrais, directeur du FRS et grand spécialiste de la question nucléaire, sur son compte X.
“La Russie ne comprend qu’une seule chose: la force”, estime, pour sa part, Andriy Yermak, le chef de cabinet du président ukrainien, Volodymyr Zelensky.
En attendant, des contacts doivent avoir lieu cette semaine entre les émissaires américains et les deux parties du conflit. Cela explique peut-être cette poussée de fièvre. Le bras de fer est symbolique.
Mais septante ans après Hiroshima, cerla reste un jeu très dangereux.