Marlene Engelhorn, l’héritière de BASF, veut redistribuer sa fortune
Marlene Engelhorn est riche, mais pas fière de l’être. Cette héritière autrichienne du géant des produits chimiques et pharmaceutiques BASF est même tellement gênée d’avoir eu tout cet argent sans rien faire, qu’elle vient de décider de se délester d’une grosse partie de sa fortune. Elle souhaite la redistribuer pour qu’elle soit plus utile pour la société.
Marlene n’est pas une héritière comme les autres. C’est une militante. Elle milite pour une politique de redistribution plus équitable des fortunes. On pourrait y percevoir de l’ironie, mais madame Engelhorn ne se contente pas de paroles. Elle vient d’annoncer qu’elle allait redistribuer une grande partie de sa fortune qu’elle a gagnée sans jamais travailler. “J’ai cet argent parce qu’il n’est pas taxé. J’ai cet argent parce que le gouvernement n’a pas réussi à remplir son mandat visant à assurer que la richesse soit distribuée dans la société de manière à ce qu’elle ne se retrouve pas inégalement entre mes mains simplement parce que je suis dans ce monde, dans cette famille particulière, avec ce nom de famille”, explique-t-elle à ceux qui lui demandent pourquoi. Il est vrai qu’en Autriche, les successions ne sont pas soumises à l’impôt. Pour y remédier, l’héritière a donc présenté un plan pour gérer équitablement la fortune dont elle veut faire le don. Soit 25 millions d’euros tout de même.
Pas une vraie surprise
L’Austro-Allemande est née à Vienne en 1992 et a suivi un parcours classique d’enfants de la grande bourgeoisie locale. Elle a fait toute sa scolarité au lycée français de Vienne avant de rejoindre l’université. C’est là qu’elle aurait eu sa « prise de conscience » en constant à quel point les riches vivaient dans un monde parallèle. Pour Marlene Engelhorn, « l’argent rend névrotique ». Elle cite aussi volontiers Dostoïevski: « Personne ne peut être libre tant que tout le monde ne l’est pas. Cette phrase me convient parfaitement »
Elle fait un premier coup d’éclat avec une carte blanche de 2021, ou elle demande que son héritage futur soit taxé à 90%. Elle enfonce le clou en septembre 2022, avec son livre « Geld ». Il dénonce avec véhémence le côté « non démocratique » des « grandes fortunes ». Il n’en faut pas plus pour que, à l’image de Tax me now ( un collectif de 61 milliardaires américains qui demandent à être plus taxés), Marlene Engelhorn se transforme en symbole.
Ironie du calendrier, son livre « Geld » sort quelques jours après le décès de sa grand-mère dont la fortune était estimée à 4,2 milliards. Son héritage va faire de cette arrière -arrière-arrière-petite-fille du fondateur des entreprises chimiques et pharmaceutiques allemandes BASF, Friedrich Engelhorn, une multimillionnaire.
Restait donc à mettre ses idées en pratique.
Le processus va mettre un an. Le temps pour cette militante aux convictions politiques acérées de trouver la bonne formule. Car pas question de faire dans la philanthropie, une activité qu’elle juge condescendante. En effet, selon elle, “il est tout à fait inacceptable que les gens dépendent de la bienveillance de quelques super-riches. C’est une nouvelle aristocratie ». Elle n’est guère plus enthousiaste sur le mécénat. Pour elle « ce marché de l’art a transformé l’art en produit financier ».
Une solution créative
Pour se délester de cet héritage, elle propose donc une solution que l’on peut qualifier de créative. L’idée est de choisir 50 Autrichiens de plus de 16 ans au hasard. Ce conseil ( baptisé ‘Guter Rat für Rückverteilung’ ) décidera ensuite quoi faire de cet argent. Il devrait démarrer en mars de cette année. Engelhorn n’a ni droit de regard, ni droit de veto. Il y a tout de même quelques restrictions comme l’interdiction de fonder un parti politique et de participer à des activités anticonstitutionnelles ou inhumaines. Toutes organisations à but lucratif sont également exclues. Par contre la totalité de l’argent peut être envoyée à l’étranger. Tant pis pour l’Autriche.
Jusqu’ici, la famille Engelhorn s’était plutôt fait remarquer par sa discrétion sans faille. Tout au plus leur nom avait-il été évoqué dans un scandale d’évasion fiscale dans les années 2010. Il est donc peu probable que la famille goûte cet esclandre international. Marlene Engelhorn ne voit, quant à elle, pas comment elle pourrait un jour regretter sa décision. « Après, j’irai travailler », promet-elle.
La multinationale BASF a été fondée en 1865 par l’orfèvre Friedrich Engelhorn. Il décide de se lancer dans la production de gaz de houille en bouteille. Il a ensuite mis au point des bouteilles de gaz pour l’éclairage public. Il n’a que 27 ans quand il fonde BASF avec Badische Anilin-&Soda Fabrik. En l’espace de deux ans, le groupe emploie 300 personnes. Une croissance exponentielle qui continuera par la suite. L’entreprise va néanmoins connaître un passage plus obscur : de 1932 à 1951, BASF a fait partie d’IG Farben, qui a fabriqué de nombreux produits pour l’Allemagne nazie, dont le Zyklon B, un pesticide utilisé dans les chambres à gaz des camps de concentration.
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