Mais que se passe-t-il en Allemagne ?

Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

La baisse de l’économie allemande s’explique par un ensemble de mauvaises performances, dans la consommation, l’exportation, l’investissement et l’immobilier.

Depuis deux trimestres, l’activité économique en Allemagne marque le pas, bien plus que dans les autres pays de la zone euro. On a reçu les chiffres le mois dernier : l’Allemagne est entrée en récession à la fin de ce premier trimestre, accusant une nouvelle baisse de son PIB qui a cédé 0,3% par rapport au trimestre précédent, alors qu’il avait déjà reculé de 0,5% entre octobre et décembre de l’an dernier. Sur un an, la baisse est de 0,5%. Cette décélération de la première économie de la zone euro explique d’ailleurs que malgré les performances positives des économies française, italienne ou espagnole, la zone dans son entier soit entrée en légère récession, avec une baisse du PIB de 0,1% au quatrième trimestre et de 0,1% à nouveau au premier trimestre de cette année.

Graphique : Evolution trimestrielle du PIB (en volumes)
Evolution trimestrielle du PIB (en volumes) © Natixis

Selon Ifo, un des grands instituts de conjoncture du pays, l’économie allemande devrait accuser une récession de 0,4% cette année. Un autre institut, IfW, est à peine moins pessimiste et table sur une baisse de 0,3%.

Mais que se passe-t-il en Allemagne, demande Patrick Artus. L’économiste de la banque Natixis pointe un ensemble de facteurs qui expliquent cette contre-performance.

Prudence et stagnation

Il y a d’abord, une très grande prudence des ménages allemands. Leur taux d’épargne reste bien plus élevé qu’avant le covid. Les ménages épargnent en effet 20% de leur revenu disponible encore aujourd’hui, dans la crainte de la crise énergétique et des conséquences de la guerre prolongée en Ukraine. Et dès lors, cette épargne ne vient pas relancer la consommation, qui décline ces derniers mois.

À cela s’ajoute aussi une baisse de la production industrielle, et en particulier des biens d’équipement. Une explication à cela est à chercher dans le ralentissement de l’économie chinoise, à qui l’Allemagne vendait traditionnellement ses machines, et dans les nouvelles politiques protectionnistes qui entravent le commerce mondial. Cela s’observe aussi dans la stagnation des exportations allemandes, puisque celles-ci étaient traditionnellement portées par les ventes de biens d’équipement.

On aurait pu dire que les investissements des entreprises locales auraient compensé ce manque à l’exportation, mais ce n’est pas le cas. En pourcentage du PIB, les investissements allemands ont remonté ces deux dernières années, mais la dynamique est meilleure en France, par exemple.

Immobilier à l’arrêt

Mais le dernier clou du cercueil est la baisse des investissements dans l’immobilier, et surtout l’immobilier résidentiel. Un rapport rédigé par un groupe d’experts pour la ZIA, la fédération allemande de l’immobilier, pointe le cocktail nocif que constituent crise énergétique , durcissement des taux et renchérissement des matériaux de construction. « Les investissements dans la construction, qui constituaient jusqu’à présent l’un des principaux piliers de l’économie, ont connu un recul de plus de 1,4 % en termes réels en 2022 », disent les experts, qui s’attendent à une aggravation de la situation, avec une baisse de 2,5% cette année.

C’est d’autant plus inquiétant qu’avec l’afflux de réfugiés accueillis par l’Allemagne, la demande explose. Selon la ZIA, 700.000 logements pourraient manquer en 2025.

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