L’inégalité homme-femme au travail n’est pas qu’injuste, c’est aussi du gâchis
Loin de gagner en ampleur, il semble que le mouvement vers plus de parité au travail s’essouffle. Selon la Banque mondiale, seule la moitié des femmes font partie de la population active. Selon une autre étude, les femmes qui travaillent semblent avoir plus de mal à obtenir une promotion qu’avant le covid. Pourtant, combler les disparités hommes-femmes en matière d’emploi pourrait doubler le taux de croissance mondial au cours de la prochaine décennie.
L’International Business Report du cabinet d’audit Grant Thornton en est à sa 20e édition et son constat reste sans appel : il y a toujours trop peu de femmes dans le management. Les femmes semblent toujours avoir autant de mal à monter les échelons. Selon le rapport, seuls 33,5 % des postes à responsabilité dans les entreprises sont occupés par des femmes. Et l’Union européenne fait à peine mieux que la moyenne mondiale puisqu’elle affiche un pauvre 35 %. Si c’est mieux que les 20 % affiché dans le tout premier rapport, on ne peut tout de même pas parler d’une progression fulgurante en deux décennies. Le nombre de femmes PDG serait même en baisse en Europe toujours selon cette étude menée auprès de 10 000 entreprises de taille moyenne dans 28 pays. Ainsi, la progression n’est que de 1,1 % par rapport à l’année dernière. À ce rythme, l’équilibre ne sera pas atteint avant 2053. Et encore, ce n’est que si on regarde les chiffres, car il existe des disparités dans le genre de poste à responsabilité. On retrouve ainsi principalement des femmes directrices dans trois domaines les ressources humaines, financier ou marketing.
Toujours selon Grant Thornton, cet essoufflement post covid s’explique par un recul des horaires flexibles et du télétravail. De plus en plus d’entreprises obligent en effet leur personnel à revenir au travail.
Pas que dans le management
Un autre rapport, celui de la Banque mondiale (sorti le 4 mars), montre lui aussi que l’égalité au travail entre les sexes est encore un lointain rêve. De la 10e édition de son rapport sur les femmes, les entreprises et le droit, il ressort que pas un seul pays du monde n’offre aux femmes les mêmes opportunités qu’aux hommes sur le marché du travail. Pire encore, l’écart mondial entre les hommes et les femmes serait même bien plus important qu’on ne le pensait.
Selon l’auteure du rapport, Tea Trumbic, ce serait surtout les questions de garde d’enfants et de sécurité qui affectaient particulièrement la capacité des femmes à travailler. La violence peut les empêcher physiquement de se rendre au travail et les frais de garde d’enfants peuvent les rendre prohibitifs.
Si dans de nombreux pays il existe des mesures pour y remédier, le rapport estime que seuls 40% des systèmes nécessaires à leur mise en œuvre sont effectifs. Ainsi moins de la moitié des pays disposent d’une aide financière ou d’un allègement fiscal pour les parents de jeunes enfants. Et dans 81 pays, les prestations de retraite des femmes ne tiennent pas compte des périodes d’absence du travail liées à la garde des enfants. À cela s’ajoute le fait que les femmes continuent à consacrer, chaque jour, 2,4 heures de plus que les hommes aux tâches domestiques. Des taches non rémunérées et pour une grande partie consacrées aux enfants.
En ce qui concerne la sécurité liée au genre, le rapport indique que si 151 pays disposent de lois contre le harcèlement sexuel sur le lieu de travail, seuls 40 pays ont des lois couvrant les abus dans les lieux publics ou les transports publics. Concrètement, les femmes n’y sont pas protégées lorsqu’elles se rendent au travail.
Reste encore la question du salaire qui n’est guère plus réjouissant. Au niveau mondial, les femmes ne gagnent que 77 cents pour chaque dollar gagné par un homme. Et si 95 pays ont promulgué des lois sur l’égalité de rémunération, seuls 35 ont mis en place des mesures pour s’assurer que l’écart de rémunération soit effectivement comblé.
Une meilleure égalité est pourtant bonne pour l’économie
Aujourd’hui, à peine 50% des femmes font partie de la population active mondiale. Pour les hommes c’est près de trois sur quatre. Un véritable gâchis selon la Banque mondiale puisqu’au-delà d’un aspect éthique, une égalité sur le marché du travail serait aussi une bonne affaire pour l’économie. Selon le rapport de la Banque mondiale, combler les disparités hommes-femmes en matière d’emploi et d’entrepreneuriat pourrait augmenter le produit intérieur brut mondial de plus de 20 %, voire doubler le taux de croissance mondial au cours de la prochaine décennie.
Et simplement combler le déficit en matière de garde d’enfants entraînerait immédiatement une augmentation de 1 % de la participation des femmes à la population active. De même qu’améliorer la santé des femmes “pourrait ajouter au moins 1 milliard de dollars par an à l’économie mondiale”.
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