L’Indonésie à la croisée des chemins
Les objectifs de croissance de l’Indonésie sont ambitieux, mais ils ne seront sans doute pas atteints…
La Chine, première économie d’Asie, déplace des montagnes pour atteindre une croissance de 5%. La plus grande économie d’Asie du Sud-Est, l’Indonésie, y parvient sans effort. Son taux de croissance a avoisiné les 5% pendant la majeure partie des trois dernières décennies. Toutefois, pour un pays à revenu intermédiaire, c’est très insuffisant, et les dirigeants indonésiens cherchent depuis longtemps à faire mieux. Le nouveau président, Prabowo Subianto, qui a pris ses fonctions en octobre, a promis une croissance de 8% dans les cinq ans.
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Pour y parvenir, l’ancien général prévoit de dépenser. Certaines de ses idées relèvent du gâchis, comme celle d’augmenter le nombre des ministères (il y en a déjà 34). La promesse phare de sa campagne, qui consiste à offrir aux 83 millions d’écoliers indonésiens le déjeuner gratuit, est plus prometteuse.
L’aspect logistique semble toutefois difficile, en particulier pour la bureaucratie indonésienne, souvent mal coordonnée et gangrenée par la corruption. Son financement est également incertain. Les collaborateurs de Prabowo Subianto y ont affecté 71.000 milliards de roupies (4 milliards de dollars) pour l’année à venir, mais les analystes redoutent des dépassements de coûts.
Il est difficile de lever des taxes en Indonésie. Le montant total des impôts représente 10% du PIB, soit la moitié de la moyenne régionale.
Limites
Il est difficile de lever des taxes en Indonésie. Le montant total des impôts représente 10% du PIB, soit la moitié de la moyenne régionale. Selon la Banque mondiale, plus de la moitié des travailleurs indonésiens sont employés de manière informelle, ce qui est beaucoup, même selon les standards des économies en développement.
Prabowo Subianto estime que l’Indonésie devrait emprunter davantage. Pour ce faire, il pourrait être nécessaire de modifier la loi : les règles de restriction budgétaire de l’Indonésie limitent la dette et les déficits à respectivement 60% et 3% du PIB. Ces limites ont permis aux obligations du pays de conserver leur qualité d’investissement, et aux investisseurs de rester calmes. Le déficit du pays, qui s’élève actuellement à 2,7% du PIB, se situe donc juste en dessous de la limite budgétaire, de telle sorte qu’une forte augmentation des dépenses non financées propulserait le budget au-delà de la ligne rouge. Mais les tendances autoritaires de Prabowo Subianto laissent à penser qu’il n’a pas peur de tester les limites.
Atteindre une croissance de 8% nécessitera des changements plus profonds. Le nouveau président a montré des signes en faveur d’une refonte des entreprises publiques et d’une amélioration de la collecte des impôts, mais les détails sont rares et les efforts précédents ont échoué. À moins que les réformes ne prennent de l’ampleur, la croissance de l’Indonésie pourrait rester bloquée aux alentours de 5%.
Par Ethan Wu, correspondant pour l’Asie de “The Economist”
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