McKinley, Trump et les taxes douanières : une leçon d’histoire économique


Ce mercredi 2 avril, Donald Trump a promis aux Etats-Unis un “jour de la libération” passant par l’annonce de taxes douanières “réciproques”, censées mettre fin à des décennies pendant lesquelles la première économie mondiale a, selon lui, été “arnaquée” par ses partenaires commerciaux.
Le protectionnisme de Trump trouve son inspiration dans une période particulière de l’histoire américaine, “L’âge doré” (“The Gilded Age”), une période de croissance démographique explosive, d’innovation technologique fulgurante et d’industrialisation à grande vitesse couvrant la fin du XIXème siècle et le début du XXème.
L’une des premières décisions de Donald Trump à son retour au pouvoir a d’ailleurs été de rendre hommage à celui qu’il a qualifié de “roi des droits de douane”, le président William McKinley (1897-1901), grand partisan du protectionnisme. Le républicain a décidé de redonner au Denali, plus haut pic d’Amérique du Nord situé en Alaska, son ancien nom de “Mont McKinley”, qui avait été modifié selon le souhait des populations autochtones.
Droits de douane, un levier économique majeur
Le président William McKinley a été un fervent défenseur du protectionnisme et a utilisé les droits de douane comme un levier économique majeur. McKinley pensait que des droits de douane élevés protégeraient l’industrie et les travailleurs américains contre la concurrence étrangère. Il considérait que cela stimulerait l’économie nationale et favoriserait la croissance industrielle. Avant sa présidence, alors qu’il était membre du Congrès, McKinley a joué un rôle clé dans l’adoption du McKinley Tariff Act de 1890. Cette loi a fortement augmenté les droits de douane sur de nombreux produits importés, atteignant parfois près de 50 %. Elle visait à encourager la production nationale, mais a aussi entraîné une hausse des prix, provoquant le mécontentement des consommateurs. Une fois élu président, McKinley a soutenu une nouvelle augmentation des droits de douane avec le Dingley Tariff Act (1897). Cette loi, adoptée rapidement après son entrée en fonction, a relevé les tarifs douaniers à des niveaux records, renforçant la protection des industries américaines.
Changement de vision avant son assassinat
Ironiquement, vers la fin de sa présidence, McKinley commençait à changer de position et à envisager une ouverture commerciale plus large, notamment à travers des accords de réciprocité (réduction mutuelle des tarifs avec certains pays). Il prononça en 1901 un discours en faveur d’un commerce plus ouvert, mais il fut assassiné peu après, laissant son successeur Theodore Roosevelt gérer la politique commerciale. Si le protectionnisme de McKinley a favorisé l’industrialisation des Etats-Unis, il a aussi renforcé les tensions économiques avec certains pays et contribué à certaines crises économiques, en limitant les échanges commerciaux internationaux.
Les Etats-Unis n’ont jamais été “aussi riches qu’entre 1870 et 1913”, explique souvent Donald Trump, affirmant que cette prospérité révolue s’expliquait par les droits de douane élevés alors en vigueur. Les historiens soulignent que le fameux “Âge doré”, s’il a permis l’enrichissement faramineux de certains grands banquiers ou capitaines d’industrie, a été synonyme de cruelle pauvreté pour des millions de personnes. L’époque doit son nom à un féroce roman de Mark Twain et Charles Dudley Warner, (“The Gilded Age: A Tale of Today”), peuplé de spéculateurs cupides et de politiciens corrompus.
Interrogé sur le risque de flambée des prix, puisque les droits de douane sur les produits importés sont en général répercutés sur les ménages, Donald Trump a invité les Américains à serrer les dents à court terme, contre la promesse d’un “âge d’or” à long terme.
Le monde attend
Le monde attend de savoir précisément ce que va décider le locataire de la Maison Blanche, qui, fidèle à son approche transactionnelle et déstabilisatrice, souffle le chaud et le froid. “Nous allons être très gentils”, a assuré lundi le président américain depuis la Maison Blanche, tout en promettant que son initiative permettrait une “renaissance” de l’Amérique. Les autres pays “ont profité de nous, et nous allons être très sympas, en comparaison de ce qu’ils nous ont fait” a encore dit Donald Trump, en assurant que les droits de douane américains seraient “plus bas”, et dans certains cas “nettement plus bas” que ceux imposés par d’autres Etats. Il semble donc relativiser sa grande menace de droits de douane strictement “réciproques”, qui verraient les Etats-Unis taxer toute marchandise importée de la même manière que le pays dont elle provient taxe les produits américains.
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