L’Europe veut torpiller la flotte de pétroliers fantômes russes

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Illustration © Getty Images
Pierre-Henri Thomas
Pierre-Henri Thomas Journaliste

Après l’interruption des livraisons de gaz en Europe par le dernier grand pipeline – passant par l’Ukraine – qui relie la Russie à l’Europe de l’Ouest, un autre projet devrait faire très mal à l’économie russe : c’est celui de sanctionner un nombre important (une centaine) de tankers supplémentaires appartenant à la flotte fantôme qui, malgré les sanctions occidentales, livrent encore le pétrole russe aux quatre coins du monde.

Les sanctions interdisent à la Russie de vendre son pétrole à plus de 60 dollars le baril, et interdisent aussi aux compagnies maritimes occidentales, qui, avant la guerre en Ukraine, assuraient près des deux tiers du transport de l’or noir russe, d’assurer encore le voyage.

Flotte fantôme

La Russie a réussi à contourner les sanctions en se dotant d’une flotte de pétroliers fantômes, battant souvent pavillon panaméen ou gabonais, et cette flotte a pris une importance démesurée. L’Atlantic Council, un think tank américain, estime qu’elle compte 1.400 navires, essentiellement des bateaux en fin de vie, vieux de plus de vingt ans, et dont on ignore s’ils sont assurés, et comment.

Selon Politico, les pays européens tiennent actuellement des discussions en coulisses sur des saisies à grande échelle des tankers exportateurs de pétrole de Moscou en mer Baltique. L’idée est de mobiliser le droit international, et surtout ses volets concernant l’environnement et les actes de piraterie, pour pouvoir saisir ces bateaux en haute mer. L’environnement parce que la flotte fantôme russe a déjà causé des désastres, comme récemment en mer Noire où deux bâtiments ont provoqué une gigantesque marée noire. Et la piraterie parce que ces derniers mois, plusieurs bâtiments, chinois et russes, ont raclé le fond de la mer Baltique avec leur ancre, endommageant les câbles sous-marins de télécommunication et d’énergie qui relient la Scandinavie aux pays baltes.  Dernier événement en date, la Finlande a saisi en décembre l’Eagle S, un vieux tanker transportant 100.000 barils de pétrole depuis Saint Pétersbourg, soupçonné d’avoir saboté un câble électrique sous-marin reliant l’Estonie à la Finlande.

Et si jamais ce projet de nouvelle sanction ne pouvait aboutir au niveau européen, en raison par exemple de manœuvres dilatoires de la Hongrie, les Etats-membres pourraient agir de manière autonome et imposer leurs propres réglementations nationales.

Quatre cinquièmes des exportations

Car 80% des exportations pétrolières russes dépendent de cette flotte de plusieurs centaines de navires dont environ la moitié partent de Saint Pétersbourg et traversent la mer Baltique.

Déjà, certains pétroliers sont sous le coup des sanctions occidentales.  Le Trésor américain, dans les derniers jours de la présidence de Joe Biden, a sanctionné 161 pétroliers et déjà, les coûts de transport du pétrole russe ont augmenté de près de 50% depuis la fin de l’an dernier. Ils atteignent 10 à 13 dollars le baril pour un transport via la mer Baltique et  la mer Noire vers l’Inde, qui est un des grands consommateurs du pétrole russe.

L’Union européenne et le Royaume-Uni en ont sanctionné une petite centaine d’autres également, et le projet qu’elle prépare devrait concerner 74 bâtiments supplémentaires. Et surtout, il donne des moyens d ‘actions bien plus efficaces pour appréhender ces bâtiments. Si ce bannissement est décidé, ce sera une très grande partie de la flotte russe partant de Saint Pétersbourg qui sera à l’arrêt, et la moitié des exportations maritimes de pétrole russe qui sera stoppée. Les sanctions occidentales empêchent en effet également la Russie d’acheter de nouveaux pétroliers à l’extérieur.

Ces projets semblent d’ailleurs inquiéter fortement le Kremlin qui a laissé entendre qu’il réagirait fermement si ce nouveau paquet de sanctions était décidé.

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